Fernando
Pessoa (1888-1935)
Né en 1888 à Lisbonne, mort en 1935, il a vécu 6 ans à Durban où il acquiert une parfaite connaissance de
la langue anglaise. Tout en exerçant une activité de fonctionnaire à Lisbonne, il s’adonne à la poésie. L’amplitude de
son œuvre lui vaut d’être considéré comme l’un des plus grands poètes de ce siècle. Pour étendre son champ
d’action poétique, il créa 4 hétéronymes que l’on retrouve dans ce livre. Revuiste et traducteur. Il est notamment
l’auteur du “Livre de l’intranquillité”, de “Bureau de Tabac” et “Ode Maritime” qui préfigurent l’écriture automatique
des surréalistes.
La sincérité est le grand obstacle que l'artiste doit vaincre. Seuls une
longue discipline, un entraînement à ne sentir les choses que
littéralement peuvent amener l'esprit à ce sommet.
"Un bateau semble fait pour naviguer; mais son
but véritable, ce n'est pas de naviguer : c'est
d'arriver au port.
Nous voilà tous en train de naviguer, sans la
moindre idée du port auquel nous devrions
aborder.
Nous répétons ainsi, sur un mode douloureux,
l'aventureuse formule des Argonautes : il est
nécessaire de naviguer, mais non pas de vivre."
RICARDO
REIS, né à Porto en 1887, médecin. Ses idées
monarchistes l'obligent à s'exiler au Brésil en 1919. Il
est évident, à le lire, qu'il a beaucoup aimé et étudié
les auteurs latins.
J'aime ce que je vois parce que je cesserai
Un jour ou l'autre de le voir.
Je l'aime aussi parce qu'il est.
Dans cet intervalle placide où je suis ma propre fiction,
D'aimer, bien plus que d'être,
J'aime qu'il y ait tout et que je sois.
Mieux ne sauraient m'offrir, s'ils revenaient,
Les dieux primitifs
Car eux non plus ne savent rien.
ALBERTO
CAEIRO, né à Lisbonne en 1889, le "maître" de mon tout.
Se dit inculte, païen, intéressé par "les choses telles
qu'elles sont". A fondé le
"Sensationnalisme ".
Celui qui a entendu mes vers m'a dit : " Qu'y a-t-il là de nouveau?
"
Tout
le monde sait qu'une fleur est une fleur et qu'un arbre est un arbre.
Mais moi j'ai répondu : " Tout le monde ? voire..."
Car tout le monde aime les fleurs
parce qu'elles sont belles, et moi je suis différent.
Et tout le monde aime les arbres parce qu'ils
sont verts et donnent de l'ombre, mais pas
moi.
J'aime les fleurs parce qu'elles sont des fleurs, directement.
J'aime les arbres parce qu'ils sont des arbres, sans ma pensée.
ALVARO DE
CAMPO, né en 1890, en Algarve. Formation d'ingénieur mécanique.
Auteur prolixe, tourmenté, chantre du modernisme et du
Futurisme.
Je ne sais. Un sens me fait défaut, une prise
sur la vie, sur l'amour, sur la gloire...
À quoi bon une quelconque histoire,
un quelconque destin ?
Je suis seul, d'une solitude jamais atteinte,
creux en dedans, sans futur ni passé.
Sans me voir, semble-t-il, s'écoulent les instants,
mais ils passent sans que leur pas soit léger.
Je prends un livre, mais ce qui reste à lire déjà
me lasse.
veux-je penser, ma conclusion d'avance me fait mal.
Le rêve me pèse avant d'être rêvé.Sentir
a terriblement l'air du déjà vu.
N'être rien, être une figure de roman,
sans vie, sans mort matérielle, une idée,
une chose que rien ne rende utile ou laide,
une ombre sur un sol irréel,un songe épouvanté.
BERNARDO
SOARES, sans existence autre que littéraire, auteur du LIVRE DE
L'INTRANQUILLITÉ, troublant journal d'un " naufrage du réel
" .
Il me faut choisir
parmi ce que je déteste - ou bien le rêve, que mon intelligence
exècre,
ou bien l'action, que ma sensibilité
a en horreur ; ou l'action, pour laquelle je ne suis pas
né, ou le rêve, pour lequel personne n'est jamais né.
Il en résulte, comme je déteste
l'un et l'autre, que je n'en choisis aucun, mais comme, dans
certaines circonstances, il
me faut bien ou rêver, ou agir, je mélange une chose avec
l'autre.
L'ensemble
de ces personnages ne forme PERSONNE *, né à Lisbonne en
1888, mort en 1935. Employé de bureau, traducteur, critique littéraire,
fondateur de la revue " Orpheu ", mais surtout, sous toutes ses formes
( plus de 70 hétéronymes ), l'un des plus formidables auteurs
de ce siècle. Méconnu de son vivant, il a laissé plus
de 25.000 textes inédits dans une malle devenue fameuse, et dont
on n'a toujours pas vu le fond. * Personne, Pessoa en portugais
Ceci
On dit que je feins, ou mens,
Tout ce que j'écris. C'est faux.
Tout simplement je sens
Avec l'imagination.
Je ne me sers pas du coeur.
Tout ce que j'éprouve, ou rêve,
Ce qui me lèse, ou s'achève, est comme une terrasse
Sur autre chose encore.
C'est cette chose qui est belle.
C'est pourquoi j'écris au milieu
De ce qui est lointain,
Délivré de mes fascinations,
Sérieux de ce qui ne l'est.
Sentir ? Au lecteur de sentir !
Visage avec masques
MON GESTE qui détruit Le peulpe des fourmis
Elles l'attribueront à un etre divin; Mais, à mes yeux, divin
je ne suis pas... Qui sait si mêmement les dieux Se jugent tels,
Et qui, du fait qu'ils sont plus grands que nous, Ils ne tirent de là
leur qualité divine. Quelle que soit la certitude Même envers
ceux que pour des dieux Nous tenons, ne soyons pas entiers Dans une foi
peut-être immotivée.
"Je venais de pays prodigieux, de paysages plus
beaux que la vie, mais de ces pays, je n'ai jamais parlé. Et ces
paysages vus seulement en songe, je ne les ai jamais évoqué.
Mes pas étaient semblables aux leurs sur les parquets et sur les
dalles, mais mon coeur était loin, maître fictif d'un corps
exilé et étranger."
J'aime comme l'Amour aime.
Je ne connais aucune autre raison pour t'aimer
que de t'aimer
Que veux-tu que je te dise plus que je t'aime
Si ce que je veux te dire c'est que je t'aime..
D'autres poémes
Je suis la scène vivante où passent diverses pièces.
Quelques liens sur
Pessoa