Qui, parmi nous, n�a pas sentit une
extr�me volupt� en �coutant le cheikh Mohand Sa�d U Belaid ? Ce t�nor de
la chanson kabyle, dont les �uvres demeurent � pr�sent en vogue, est
d�abord, un nationaliste, un militant de la premi�re heure qui n�a m�nag�
aucun effort pour r�pondre � l�appel du devoir de Novembre 54.
De son v�ritable nom, Larbi Mohand Said U Belaid est n� le 19 f�vrier
1923. Issu d�une famille nombreuse, ce chanteur tant adul�, avant de
quitter son village natal Ath Smail, sis dans la daira de Boghni, a
sillonn� tous les villages avoisinants et m�me les plus �loign�s.
En effet, apr�s quelques ann�es d�apprentissage du Coran et un bref
passage � l��cole primaire r�serv�e aux indig�nes, Mohand Said U Belaid a
finalement opt� pour le commerce des produits ruraux (l�huile, les figues
s�ches�) qu�il acheminait vers d�autres r�gions, pour revenir avec des
biens que le village ne produisait pas.
En 1946, il n�avait que 22 ans lorsqu�il d�cida de prendre le chemin de
l�exil, Malgr� sa situation relativement ais�e, sa soif de conna�tre les
cieux les plus lointains l�avait pouss� � prendre le bateau pour s��tablir
chez son fr�re a�n�, Ahmed d�j� immigr�.
Jusque-l�, Mohand Said U Belaid qui �prouvait un sentiment fougueux pour
la musique, n�avait pas pu s�introduire dans le milieu artistique de
l�exil, et ce malgr� ses rares brillantes sorties. Dans son premier
enregistrement survenu en 1948, il traitait la s�paration �Inas inas, xit
yazran warsum yibas�, le nationalisme �Barkak nisit n chrav�.
En effet, dans cette seconde chanson, il exhortait ses semblables � ne
plus s�adonner � la consommation de l�alcool, � s�attacher aux valeurs des
leurs et s�insurger contre les d�lices de la d�perdition.
Bien que ses chansons aient re�u un �cho favorable, la maturit� artistique
de Mohand Said U Belaid, a �t� construite avec l�incontestable ma�tre, feu
Amraoui Missoum.
Depuis le d�but des ann�es 50, la renomm�e de cet artiste n�a cess� de
grimper les �chelons. Dans son cercle circulaient les c�l�brit�s, Dahmane
El Harrachi, Slimane Azem, Ahcene Meziani, Farid Ali, Akli Yahiat�ne�
Comme tous les chanteurs de l�immigration lui aussi, a v�cu le
d�racinement et la morose s�paration. Sa chanson (Ma tehfit � tine hamlagh)
Souvient-tu mon amour?) disait long. Son amour pour la femme natale n�a
pas de doute �takvaylit ac hal tazi�en� � ! combien, elle est charmante,
la Kabyle ! Pas de commentaire.
Durant son vivant, dans l�une des conversations qu�il nous a accord�es, il
disait : �Lorsque j�ai d�cid� d�enregistrer, Ma tchfit � tin hamlagh�,
j�ai tout fait pour que ma femme soit de la partie. H�las, elle a
nettement refus�.
A l��poque le duo imaginaire est presque r�volu. Mais par respect � ma
femme que j�aimais terriblement, je me suis content� de lui pr�ter ma voix.
Elle avait une tr�s belle voix�a-t-il soulign�.
En 1953, c�est le retour au pays natal. Mohand Said U Belaid, qui avait
l�amour de la patrie dans ses entrailles, a bien d�cid� de rejoindre le
maquis. A Alger, il rencontre feu Krim Belkacem. Celui-ci, plus
qu�insistant, lui impose de regagner l�exil. �La guerre contre l�occupant
a besoin d�argent et des gens capables de se d�placer ais�ment en France�
lui a-t-il ajout�.
Depuis cette entrevue, il se consacre � la R�volution. Il collecte les
fonds, recrute les militants et son caf� devient le giron des
nationalistes immigr�s.
Apr�s l�ind�pendance, le cheikh renoue avec la chanson. Avehri siwd assen
slam, cette c�l�bre chanson qui ne cesse de bercer les g�n�rations, n�est
qu�une de ses chefs-d��uvre qui restera, sans doute, pour longtemps.
Ironie du sort. Intern� pour un drame familial et apr�s avoir purg� sa
peine, Mohand Said U Belaid devient errant, d�un village � un autre.
Guitare � la main, il ne cesse de ressusciter son pass� riche, de chanter
gratuitement pour un monde curieux et inflexible, comme au vieux beau
temps, jusqu�en 1999 o� un voyou, un faux drabki l�assassine, l�chement
dans la plage, d�Azeffoun.
M�rite-t-il cette fin dans une Alg�rie pour laquelle il s�est sacrifi� ?
Ali Khal