Bela�d ath Ali Le premier romancier kabyle http://www.depechedekabylie.com/read.php?id=18923&ed=MTE2MQ==
Bela�d ath Ali est n� � Azrou Oukellal (Azru Uqellal), un village assis sur une colline � une port�e de canon de cette ville de haute montagne qu�est Michelet. C�est aupr�s de sa m�re qu�il t�tera les rudiments de sa culture. Titulaire d�un brevet d��tudes, exploit rare � l��poque pour une femme, elle apprend � son Bela�d les secrets de la langue fran�aise. Bela�d ath Ali est cet �crivain que les
nombreuses anthologies de la litt�rature alg�rienne ont ignor� faisant
mine de regarder ailleurs que vers cet authentique auteur kabyle, tout
impr�gn� des traditions du pays. La marginalit�, il l�a connue de son
vivant et qui se poursuivit manifestement apr�s sa mort. Le glas des chemins perdus Apr�s quelques ann�es pass�es � l��cole
d�Azrou, qui seront pour lui les plus belles, le glas de l�errance sonne
pour Bela�d. Entre temps il sera appel� sous les drapeaux o� il brillera
par son intelligence et obtient le grade de sergent-chef. A Alger, il joue
au dandy, selon les archives des P�res Blancs. Avec son verbe facile et
son fran�ais impeccable, il s�duit certaines familles de la bonne soci�t�.
Mais le temps de gr�ce sera court pour lui, car d�s qu�elles apprirent sa
v�ritable identit�, elles lui ferment la porte au nez. Le revoil� seul
errant et passant ses nuits, quand il en a de quoi, dans les bains maures.
A Alger qu�il a regagn�e apr�s des jours
de gal�re, il vit d�exp�dients divers et des poubelles des nantis. Dans
une de ses lettres au P�re Dallet, celui qu�il appelle "Bou lebsa
tamellalt", il raconte : �D�cembre 1945. Par une nuit d�ivresse, Popey (c�est
son sobriquet) s�est fait compl�tement d�shabill� par ses agresseurs. Il
se retrouve avec une chemise devant un immeuble. La concierge, effray�e
puis apitoy�e par ce qu�elle a vu, lui donne un sac de jute : il est sauv� !
Le sac enroul� autour de la taille, Popey peut d�sormais circuler. Il y
met tout ce qu�il trouve dans les poubelles dedans. Entre-temps, il a
aussi trouv� une vieille toile cir�e qu�il a attach�e sur ses �paules.
Maintenant, il peut se m�ler � la compagnie des cloches.� Malade, Bela�d
d�cide de remonter au village ; retrouver les siens. L� haut au moins il
ne mourra pas de faim. Il retrouve m�me un travail ; sachant lire et
�crire, il est embauch� comme magasinier � l�usine d��lectricit� de Ljem�a,
situ�e � une dizaine de kilom�tres de chez lui. De ces moments, Bela�d
profitera �norm�ment pour lire, �crire mais aussi jouer la mandoline qu�il
affectionnait particuli�rement. Est-ce pour autant la fin de l�errance
pour lui ? H�las ! c��tait compter sans l�inv�t�r� buveur qu�il �tait, car
il sera vite remerci� pour �bri�t� au travail. Le revoil� � la maison les
bras ballants. Les rapports avec sa m�re deviennent impossibles. Na Dahbia
quitte le village pour habiter chez une de ses s�urs � Alger. Le revoil�
encore seul, sans le sou et avec la peur d��tre arr�t� par les gendarmes
pour d�sertion. Ces ann�es �taient en effet les pires du dernier si�cle
pour les Alg�riens : les maladies, la famine... C��tait le temps des bons
de ravitaillement aupr�s des autorit�s coloniales. Bela�d, �tant d�serteur,
ne pouvait y pr�tendre. Il ne tirait sa subsistance que des quelques
lettres qu�il �crivait aux villageois ou de l�aide d�un ami qui lui
donnait � manger. Et parfois - oh ! Quelle b�n�diction ! - du caf� et des
cigarettes. Ces pr�cieuses cigarettes qu�il fumait avec parcimonie lui
tenaient compagnie pendant ses longues nuits de r�veries. C�est sans doute
� cette �poque de faim et de solitude frisant le d�lire que Bela�d a �crit
ses r�cits et po�mes �Culture du march� aux puces�. Mais Azrou devenait
trop petit pour Bela�d et l�appel de l�errance devenait de plus en plus
fort. Il prend la direction de Rabat (Maroc) o� son fr�re, Mohand Sa�d,
mari� � une Fran�aise, est install� depuis 1947. Arriv� au Maroc
d�sargent�, Bela�d fait le trajet Oujda-Rabat � pied. Sur place, il sombre
vite dans le vagabondage et la boisson. G�n�, Mohand Sa�d devait se
d�barrasser d�un Bela�d peu recommandable et peu enclin � la stabilit�. La
rue reprend dans son giron Bela�d. Ce s�jour sera fatal pour lui. Gu�ri
d�une pneumonie, il contracte une m�chante tuberculose. Expuls� du Maroc,
il regagne Tlemcen par Maghnia. Dans son courrier au P�re Dallet, il �crit :
�Pourquoi et comment j�ai quitt� Maghnia ? Jeudi je me suis r�veill� dans
le commissariat. J�y avais �t� conduit, la veille para�t-il, dans l��tat
que vous devinez. Le jeune secr�taire du commissaire me dit : "Nous avons
remarqu� que vous �tes instruit. Il me semble d�ailleurs que vous savez
faire autre chose que porteur d�eau et l�ivrogne. Allez donc � Tlemcen,
voici une r�quisition sign�e du maire pour une place dans le train et
voici un paquet de cigarettes que vous fumerez � ma sant� !"�. Arriv� �
Tlemcen, Bela�d vend ses 14 derni�res cigarettes pour acheter de quoi
calmer sa faim. Apr�s une nuit pass�e � la belle �toile, il est engag� le
lendemain par un mara�cher. Il le fera travailler durement, mais Bela�d ne
s�en plaignait pas. �Je vais faire griller quelques poivrons avec un
oignon et une tomate. Ce qui me manque le plus est une bonne tasse de
caf�, et aussi une lampe et un livre. Un bon livre volumineux
substantiellement.� En d�pit de sa condition infrahumaine, la m�me avidit�
et les m�mes plaisirs irriguaient la vie de Bela�d ath Ali. Ainsi dans les
conditions les plus insoutenables qui feront capituler plus d�un, il
trouve le temps de lire et d��crire. Hamid Arab
|