"HEGEL"

Le 7/11/89

 

François Peraldi

Aujourd'hui. la parole sera prise par Marie Normandin et Julie Bellavance qui nous parleront de Hegel, en philosophie d'abord, puis nous verrons ensuite en quoi et pourquoi le discours philosophique ne doit pas être nécéssairement tenu à l'écart du discours psychanalytique et à quelles conditions les psychanalystes peuvent retrouver dans la réflexion philosophique des thèmes, des hypothèses, des analyses qui peuvent les interesser voire les éclairer au plus haut point, sans qu'ils se laissent pour autant contaminer par la philosophie.

Il ne me semble pas excessif de dire que la réflexion de Hegel a très largement contribué à fonder les conceptions modernes de l'homme en tant que sujet, Descartes l'avait déjà commencé, mais Hegel l'a plus spécifiquement accompli en le définissant comme sujet aliéné, en partie étranger à lui-même, parce qu'aliéné dans l'autre de par la manière même dont on peut concevoir comment le sujet se constitue, comment et par quelle rupture sans retour possible se fait le passage de l'homme-animal. si l'on peut dire, à l'homme-sujet, comment s'opère cette coupure qui sépare plus ou moins complètement l'homme-sujet de l'état de nature voire même d'un mode d'être qui ne serait régi que par ses instincts biologiquers, pour le faire advenir presque tout entier dans le registre de la culture, dans le registre des "tensions sociales", comme disait le Lacan des années 1932 à 1952, constitutives de la "personnalité", puis qu'il définira à partir de 1953 comme le registre du Symbolique, c'est-à-dire le régistre régi par les lois du langage et de la parole.

Il fallait - on peut le dire dans l'après-coup, dans la perspective de l'histoire - il aura fallu que se déploie la théorie hegelienne du sujet aliéné au désir de l'autre, dans une lutte qui domine l'histoire de sa dialectique, en y opérant un profond renversement des conceptions classiques, cartesiennes, du sujet, pour qu'advienne le marxisme d'une part et la psychanalyse de l'autre. C'est dans ce sens déja, dans cette perspective épistémologique que la connaissance de Hegel comme étant l'une des origines (au sens épistémologique du terme) de la théorie de l'inconscient, s'impose.

Il n'est pas certain que Freud s'en soit rendu compte. Il avait d'autres chats à fouetter que de s'interroger sur ces questions puisqu'il "inventait" la théorie de l'inconscient et que pour ce faire il lui fallait - pour des motifs qu'il serait interessant d'examiner dans une théorie de la créativité - faire la sourde oreille aux discours des origines, à l'exception du discours "physiciste" de Helmholtz, Dubois-Reymond et Brücke auquel il semble resté profondément attaché dans le même temps qu'il invente quelque chose de complètement différent. Son rapport aux discours des origines est très singulier, ainsi a-t-il pu répéter souvent qu'il ne connaissait pas Nietzsche (ce qui était partiellement faux puisqu'il avait participé pendant ses études de Lycée à un groupe de lecture de Nietzsche), et affirmer qu'il connaissait peu Hegel (ce qui était sans doute vrai dans les faits, mais en partie inexact dans la mesure où il vivait dans un milieu culturel profondément marqué par l'hegelianisme.)

C'est dans l'après-coup des l'établissement et de la reconnaissance de la théorie que les questions épistémologiques se posent, dont celle des origines qui ont présidé à la naissance de la nouvelle science; et que tout un travail de démarquage concernant la spécificité de ce niouveau discours doit se faire. Il aura appartenu à Lacan de mettre très fortement en relief non pas ce que Freud devait à Hegel, il ne lui doit rien, mais ce que la théorie du sujet de l'inconscient doit à la phénomènologie hegelienne, en quoi elle la continue, mais aussi en quoi elle s'en démarque radicalement.

Dans son texte sur l'agressivité en psychanalyse qui, avec le stade du miroir, constituent le diptyque d'une première théorie du narcissisme au fondement duquel est posé le moi (théorie censée combler les incertitudes et les insuffisances de celle de Freud et des premiers psychanalystes, dont Karl Abraham), Lacan s'explique sur la nécéssité non pas d'un retour à Hegel, mais d'un détour par la Phénomènologie de l'esprit ou, plus précisément, ce qui, dans la Phénomènologie de l'esprit fonde le concept de sujet défini par son aliénation au désir de l'autre déja construit en partie dans la théorie freudienne de l'inconscient. Voici ce passage : après avoir défini l'agressivité comme la "tendance corrélative d'un mode d'identification que nous appelons narcissique et qui détermine la structure formelle du moi de l'homme et du registre d'entités caracteristiques de son monde", définition qui fait de l'agressivité une coordonnée intentionnelle du moi dans le registre de l'espace, Lacan essaie d'en repérer l'incidence et le rôle dans le malaise dans la civilisation. Si la lutte pour la vier trouve tout un développement dans la théorie de Darwin, "avant lui, pourtant un Hegel avait donné la théorie pour toujours de la fonction propre de l'agressivité dans l'ontologie humaine, semblant prohétiser la loi de fer de notre temps. C'est du conflit du Maiître et de l'Esclave qu'il déduit tout le progrès subjectif et objectif de notre histoire, faisant surgir de ces crises les synthèses que représentent les formes les plus élevées du statut de la personne en Occident, du stoïcien au chrétien et jusqu'au citoyen futur de l'Etat Universel.

Ici l'individu naturel est tenu pour néant, puisque le sujet humain l'est en effet devant le Maître absolu qui lui est donné dans la mort. La satisfaction du désir humain n'est possible que médiatisée par le désir et le travail de l'autre. Si dans le conflit du Maître et de l'Esclave, c'est la reconnaissance de l'homme par l'homme qui est en jeu, c'est aussi sur une négation radicale des valeurs naturelles qu'elle est promue, soit qu'elle s'exprime dans la tyrannie stérile du Maître ou dans celle féconde du travail."

Mais laissons ici les voix de Marie Normandin et de Julie Bellavance se faire porteuses du message de Hegel et nous rrevendrons plus tard l'analyse de ce qu'en fait Lacan dans son texte sur l'agressivité.

 

 

Marie Normandin.

La phénoménologie de Hegel, vue par Kojève... ou la science de la conscience.

Une science de la conscience qui -pour utiliser les mots de J. Hyppolite- se divise en trois moments : conscience, conscience de soi et raison. (J. Hyppolite p. 31, note 60)

 

1. ET D'ABORD, DU DESIR...

Au commencement, il y a le désir. Un désir animal, biologique. Un désir naturel envers un objet naturel.

Selon Kojève qui interprète Hegel, ce désir-là est une "condition nécessaire de la conscience de soi" mais ce n'est pas la seule condition. Pour mieux comprendre, examinons ce qui se passe quand le Moi désir. Imaginons un Moi qui désire un objet extérieur, un non-Moi. Ce Moi, pour satisf-a-i-r-e son désir va faire, il va agir. Et cet agir, cette action, va nier l'objet, le transformer, comme la faim (f-a-i-m) qui, pour être satisfaite, exige de détruire la nourriture, de la transformer. Ainsi toute action (toute satisfaction) est négatrice. C'est une action négatrice qui détruit, tout en construisant; elle assimile et intériorise le non-Moi extérieur qui est l'objet naturel désiré. Et le Moi ainsi créé par la satisfaction de ce désir ressemble lui-même à l'objet désiré : il est de même nature, c'est "un Moi 'chosiste'" qui ne révèle pas autre chose que la chose-même : cette chose c'est le 'Sentiment de soi'.

 

2. DU DESIR DU DESIR...

Donc au commencement, il y a le désir naturel, et il y a le 'Sentiment de soi'. Mais on n'est pas encore à la Conscience de soi. Pour atteindre cette Conscience de soi, le désir doit porter sur un objet non-naturel : un objet qui dépasse le réel, "un néant, un vide". Et ce vide, c'est de Désir avant la satisfaction. Le Désir qui révèle un vide : "autre chose qu'une chose" écrit Kojève. C'est donc de ce désir dont il est question dans le progrès vers la Conscience de soi : le Désir du désir. Le Moi va se nourrir de Désirs et "sera lui-même Désir dans son être même, créé dans la satisfaction et par la satisfaction de son Désir". Et "l'être même de ce Moi sera devenir" ce qui fait que le Moi deviendra "son propre oeuvre".

Autrement dit, pour que le Sentiment de soi puissse devenir Conscience de soi, il faut que de Désir animal devienne Désir humain. Pour illustrer ceci, Kojève observe le rapport entre un homme et une femme : le Désir entre les deux n'est humain -c'est-à-dire dépasse le biologique, le réel- que si "l'un désire non pas le corps de l'autre, mais le Désir de l'autre. De la même façon, le Désir qui porte sur un objet naturel sera humain seulement s'il est 'médiatisé' par le Désir d'un autre qui porte sur le même objet :

 

"il est humain de désirer ce que désirent les autres, parce qu'ils le désirent (...) l'histoire humaine est l'histoire des Désirs désirés."

 

Et comme Kojêve l'ajoute un peu plus loin :

 

"L'homme se 'nourrit' de Désire comme l'animal se nourrit de choses réelles."

 

Mais ce désir qui rend l'homme humain doit être plus fort que le désir biologique ou animal. Pour un animal, la valeur suprême, c'est sa vie d'animal. Donc si l'homme doit dépasser ce désir d'animal qui es la vie, il faut que son désir d'homme l'emporte sur son désir de vivre (qui est animal); il faut donc "qu'il risque sa vie en fonction de son Désir humain."

 

Mais revenons au Désir suprême qui est de désirer un désir. Qu'est-ce que désirer un Désir? C'est, nous dit Kojève, de "vouloir se substituer soi-même à la valeur désirée par ce Désir". Je me substitue à la valeur désirée sinon... c'est la chose que je désire et non le Désir. Par exemple, si on reprend le Désir entre l'homme et la femme, désir dont on a parlé plus haut; désirer le Désir de l'autre, c'est désirer 'que la valeur que je suis' soit 'la valeur désirée par l'autre'; je veux que l'autre 'reconnaisse' la valeur que je suis comme sa valeur désirée, je désire être reconnue par lui comme valeur autonome. Et d'aller risquer sa vie, c'est d'accepter une lutte à mort en vue d'être reconnu. C'est l'origine de la Conscience de soi ... le Désir de reconnaissance.

 

3. DU DESIR DE RECONNAISSANCE... ON ABORDE LA DIALECTIQUE DU MAITRE ET DE L'ESCLAVE

L'histoire du maître et de l'esclave, c'est l'histoire d'une lutte à mort pour la reconnaissance... mais surtout il ne doit pas y avoir de mort... sinon ce sera aussi la mort du désir su lequel doit porter le Désir. Il faut donc que les deux adversaires dans cette lutte à mort agissent différemment : il faut qu'il soit inégaux. L'un doit avoir peur de l'autre et céder au désir de l'autre, c'est-à-dire reconnaître l'autre. Mais pour cela, il doit abandonner son propre désir d'être reconnu. L'Esclave reconnaît donc l'autre comme son Maître, tandis que le Maître est reconnu par quelqu'un que lui-même ne reconnaît pas. L'esclave lui, n'est pas allé jusqu'au bout dans le risque de sa vie, il n'a pas adopté le principe des Maîtres qui est de vaincre ou de mourir.

 

"L'Esclave préfère vivre en esclave que mourir pour la liberté. Par conséquent, il est dépendant de la vie organique; c'est la vie organique qu'il préfère; il est cette vie." P.54

 

 

L'Esclave a accepté qu'un autre lui accorde la vie. Il sera donc dépendant de cet autre, car entre l'esclavage à la mort, il a choisi l'esclavage; il doit donc vivre, mais vivre en Esclave. Malgré tout, ajoute Kojève, ce "refus de la mort est une attitude quand même humaine".

 

4. VIVRE EN ESCLAVE ET SUPPRIMER SA SERVITUDE

Kojève écrit :

 

"L'homme intégral. absolument libre. définitivement et complètement satisfait par ce qu`il est, l'homme qui se parfait et s`achève dans et par cette satisfaction, sera l'Esclave qui a supprimé sa servitude."

 

... celui qui travaillera pour le maître... pendant que le maître lui, sera oisif. Et c'est cette oisiveté du Maître qui sera l'impasse du Maître alors que la Servitude laborieuse de l'Esclave sera la source de la Conscience de soi...

 

"la source, souligne Kojève, de tout progrès humain, social, historique. L'Histoire est l'histoire de l'Esclave travailleur."

 

Une fois que le Maître est Maître, il est figé... comme solidifié. Il n'est pas question qu'il se dépasse, qu'il se transforme ou qu'il progresse. Entre vaincre et mourir, il a choisit de vaincre -et il a vaincu; maintenant il doit maintenir son statut de Maître. On peut le tuer; mais on ne peut pas le transformer. Il a risqué sa vie pour être Maître. Il a atteint sa valeur suprême; il ne peut pas aller plus loin.

 

Par contre, l'Esclave n'a pas voulu risquer sa vie pour être Maître.

Cependant, il a connu l'angoisse de la mort. Kojève dit qu'il a "compris la 'vanité' des conditions données de l'existence." Il n'a pas voulu se solidariser avec la condition de Maître, et il ne se solidarise pas non plus avec sa condition d'Esclave. "Contrairement au Maître, il n'y a rien de figé en lui. Il est prêt au changement. Dans les termes de Kojève :

 

"Il est devenir historique dès son origine, dans son essence, dans son existence même (...) il veut se transcender par négation de son état donné (...) et il a un idéal positif à atteindre; l'idéal de l'autonomie, de l'Etre-pour-soi (...)" P.27

 

5. LE TRAVAIL DE L'ESCLAVE OU LA NEGATIVITE OU LES TRAVAUX QUI TRANSFORMENT LA NATURE

 

Face à la mort "si nous voulons nommer ainsi cette irréalité" (Hegel P. 29), l'Esclave a choisit la vie... mais il a vu la mort et il a connu l'angoisse. Son travail d'esclave sera donc un travail forcé par l'angoisse de la mort et un travail effectué dans l'angoisse; il va travailler au service du Maître et longuement, laborieusement se libérer de l'angoisse qui l'asservit au Maître.

 

C'est de cette façon qu'il atteindra son autonomie et sa liberté (une liberté authentique en comparaison avec la liberté et l'autonomie du maître). Et pour atteindre cette véritable liberté, il aura fallu qu'il passe par la Servitude puis qu'il surmonte l'angoisse de la mort. Cette angoisse, il va la surmonter en effectuant un travail au service du Maître tout-puissant... un Maître qui est en fait l'incarnation de l'angoisse. Et ce travail forcé que l'Esclave accomplit va devenir sa propre libération. Voyons de quelle façon Kojève parle de l'angoisse et du travail :

 

"Il ne suffit pas d'avoir eu peur, même d'avoir eu peur en se rendant compte du fait qu'on a eu peur de la mort. Il faut vivre en fonction de l'angoissse. Or, vivre ainsi, c'est servir quelqu'un qu'on craint, quelqu'un qui inspire ou incarne l'angoisse; c'est servir un Maître (réel, c'est-à-dire humain, ou le Maître "sublimé", -Dieu). Et servir un Maître, -c'est obéir à ses lois. Sans ce service, l'angoisse ne pourra pas transformer l'existence; et l'existence no pourra donc jamais dépasser son état initial angoissé. C'est en servant un autre, c'est en s'extériorisant, c'est en se solidarisant avec les autres qu'on s'affranchit de la terreur asservissante qu'inspire l'idée de la mort (...) sans le travail, l'angoisse reste interne-ou-intime et muette, et la Conscience ne se constitue pas pour elle-même." P.34

 

Et pour continuer, voici les mots de Hegel :

 

"L'esprit conquiert sa vérité seulement à condition de se retrouver soi-même dans l'absolu déchirement. L'esprit est cette puissance, en n'étant pas semblable au positif qui se détourne du négatif, (comme quand nous disons d'une chose qu'elle n'est rien, ou qu'elle est fausse, et que, débarrassé alors d'elle, nous passons sans plus à quelque chose d'autre), mais l'esprit est cette puissance seulement en sachant regarder le négatif en face, et en sachant séjourner près de lui. Ce séjour est le pouvoir magique qui convertit le négatif en être." P.29

 

6. L'EXPERIENCE DIALECTIQUE DE LA CONSCIENCE SERVILE

 

En faisant "l'expeérience dialectique de la Conscience servile", en transformant le Monde par son travail, l'Esclave va se transformer lui-même. Cette expérience dialectique implique que l'Esclave passe par trois attitudes : l'attitude stoïcienne, l'attitude sceptique ou nihiliste et l'attitude chrétienne de la conscience malheureuse.

 

D'abord l'attitude stoïcienne : l'Esclave fait face à la situation et accepte que sa vie soit entre les mains du Maître. Il accepte donc sa propre mort; "un suicide philosophique", selon Kojêve. Son attitude est une attitude désintéressée et marque un progrés par rapport à son existence d'esclave. Il s'oppose au monde par sa pensée. "C'est un homme libre, mais abstrait, car il n'est libre que dans la pensée." C'est donc d'une liberté abstraite qu'il s'agit... et quand le stoïcien reconnaît l'illusoire de la situation, l'impossibilité de son attitude stoïque, il cesse d'être stoïcien; il nie le monde et la société. C'est l'attitude du scepticisme.

 

"Le Sceptique seul réalise l'idéal du Stoïcien en niant l'existence même du monde extérieur (...) L'attitude du Sceptique est négatrice, comme celle de l'Homme-du-Désir, comme celle de l'Esclave qui travaille. Le Sceptique détruit l'être même du monde extérieur, mais seulement mentalement, pas dans la réalité, activement. Lui non plus n'agit pas (...) Le Sceptique réalise l'idéal de la liberté -mentalement (...)" p.62

 

C'est ainsi que le Sceptique est en contradiction avec lui-même (il nie dans sa pensée, dans son discours, tout ce qui est fait par l'homme mais il n'agit pas). Sa vie est contradictoire. S'il reste comme il est, "s'il dure, solon Kojève, s'il ne se suicide pas, sa durée est contradictoire."

 

Le Scepticisme n'est pas viable et en s'en rendant compte, le Sceptique adopte la troisiême attitude : la Conscience malheureuse ou conscience judéo-chrétienne. Après avoir pris conscience et accepté sa contradiction (Moi empirique d'une part, Moi négateur, libre, transcendant, de l'autre), il doit supprimer cette contradiction. Mais il ne peut la supprimer... et c'est ce qui fait son malheur. Il n'arrive pas à faire l'unité en lui et il devient l'Esclave du Maître absolu. L'homme religieux est l'esclave de Dieu.

 

"La religion naît du décalage entre l'idéal et la réalité." (Kojève, p. 212)

 

Par contre, l'homme religieux agit même s'il agit pour un autre que lui-même... même s'il agit pour son Dieu. Il croit que son action est celle de Dieu et non la sienne. Donc l'idéal de l'homme religieux est extérieur à lui-même, c'est le Christ.

 

Ici, Kojève va s'arrêter pour traiter de la religion, du Christianisme et de l'anthropomorphisme de Dieu, des Croisades et de la transformation de l'homme religieux... mais faute de temps, nous dirons tout simplement ceci (avec les mots de Kojève qui cite lui-même Hegel) :

 

"Un beau jour, l'Homme s'aperçoit que son Dieu (imaginaire) est en réalité lui-même; il se reconnaît en Dieu. D'où la fin de son 'malheur'. Il est désormais l'Homme-de-la-Raison, il est devenu raisonnable". p.72

 

L'Homme-de-la-Raison a dépassé les trois attitudes qui étaient le Stoïcisme, le Scepticisme et la Religion. Pour paraphraser Kojève, l'Homme-de-la-Raison a dépassé le Stoïcisme parce qu'il est "ennuyeux"; il a dépassé le Scepticisme parce qu'il est "inquiétant et stérile"; et il a dépassé la Religion parce qu'elle est inséparable du malheur intérieur". Puis Kojève conclut avec un commentaire qui peut presque sembler ironique: "Seulement -on peut se complaire dans le malheur. D'oùù la possibilité d'une durée illimitée de la rligion." p.73

 

7. QUI EST L'HOMME-DE-LA-RAISON?

 

"L'Esclave qui parvient à l'idée de la liberté et qui n'a plus de Maître (ni même plus de Dieu), mais qui ne lutte pas en Maître, n'est donc pas Maître; il ne participe pas encore à l'action de la Société (...) C'est l'Esclave qui se consacre au Plaisir. Il satisfait raisonnablement ses instincts." p.85

 

C'est le début d'une nouvelle dialectique : la dialectique du plaisir, de la sentimentalité et de la vertu. Autrement dit : l'homme-du-plaisir, l'Homme-de-la-Raison.

 

Dans une note de bas de page, Jean Hyppolite nous expose le plan général de cette dialectique.

 

"La conscience de soi se présente ici comme but non encore actualisé, en face d'une réalité effective qui n'a plus la valeur d'un être en soi. Le premier but est la singularité de la conscience de soi se posant dans l'être ou le palisir, le second est une forme de conscience de soi universelle, comme loi du coeur; le troisième est la vertu. Enfin la conscience de soi découvre que cette réalité effective opposée est son propre être-pour-soi, et qu'elle se réalise immédiatement en elle, comme individualité réelle en soi et pour soi." H.p.297, note 21

 

Puis à propos du processus de la Conscience, voici ce qu'il écrit au tout début de La Phénoménologie:

 

"L'absolu n'est donc pas un être donné une fois pour toutes, c'est un processus dialictique, une réalisation progressive de soi-même. Il devient autre que soi, mais il reste lui-même dans cette altérité, car il est la méditation entre son état immédiat et ses auto-modifications. Il devient ce qu'il est." p.17

 

Car comme l'écrit Hegel (p. 18)

"Le vrai est le devenir de soi-même."

 

Kojève ajoute plus loin (p. 19) :

la méditation n'est pas autre chose4 que l'égalité-avec-soi-même se mouvant; en d'autres termes, elle est la réflexion en soi-même, le moment du moi qui est pour soi; elle est la pure négativité, ou réduite à sa pure abstraction, le simple devenir."

Ce qui nous ramène au tout début de la préface de La Phénoménologie et à la conclusion de mon travail. C'est la métaphore de l'enfant qui naît de Hegel :

 

"(...) après une longue et silencieuse nutrition, la première respiration, dans un saut qualitatif, interrompt brusquement la continuité de la croissance seulement quantitative, et c'est alors que l'enfant est né; ainsi l'esprit qui se forme mûrit lentement et silencieusement jusqu'à sa nouvelle figure, désintegré fragment par fragment l'édifice de son monde précédent."

 

Ici Hegel nous rappelle qu'avant le grand bouleversement, on en perçoit déjà les signes. Qui n'a pas déjà rsssenti cette frivolité et cet ennui dont nous parle Hegel, et je cite:

 

(...) "la frivolité et l'ennui qui envahissent ce qui subsiste encore, le pressentiment vague d'un inconnu sont les signes annonciateurs de quelque chose d'autre qui est en marche. Cet émiettement continu qui n'altérait pas la physionomie du tout est brusquement interrompu par le lever du soleil, qui, dans un éclair, dessine en une fois la forme du nouveau monde". p.12

 

 

 

 

JULIE BELLAVANCE

La difficulté inhérente à cet exposé est d'éviter la simple analogie. Chez Hegel, il ne pourrait être question d`un emprunt qui consisterait en la simple prise de l'objet tel quel pour le rapporter à soi tel quel; dans que soi ou l'objet n'aie changé. Dans le mouvement dialectique, une telle fixité est dissoute.

 

Dans le soucis de dépasser la simple analogie, nous porterons une attention particulière au texte "Les complexes familiaux dans la formation de l'individu". Lacan y présente la théorie de l'imaginaire, dans une forme et un contenu où se lit le plus clairement l'emprunt à la pemsée de Hegel.

 

Le rôle de cet emprunt apparaîtra comme étant la formulation de la spécifité de la psychanalyse. En effet, l'introduction de la dialectique dans la conceptualisation de l'imaginaire permet de faire de la psychanalyse une analyse structurale. Une telle rénovation de la doctrine permet d'instaurer une coupure radicale d'avec toute tendance biologisante.

 

L'affirmation de cette coupure se fera à travers une critique à l'endroit de Freud; principalement en ce qui concerne la thèse de la horde primitive et son corolaire, le concept du complexe d'oedipe. Freud n'en aurait donner qu'une compréhension dynamique, prêtant ainsi le flancaux dérivations biologiques.

 

En fait, en introduisant la dialectique dans la psychanalyse, Lacan inscrit l'histoire dans la psychanalyse et la psychanalyse dans l'histoire. C'est que le complexe d'oedipe sera compris comme un moment dans le développement de la culture. De plus, les conditions historiques de la naissance de la psychanalyse seron interrogées.

 

L'instauration de la coupure d'avec le fondements biologiques trouve son assise dans le principe suivant : "C'est dans l'ordre original de réalité que constituent les relations sociales qu'il faut comprendre la famille" (complexes familiaux, p.5). Ce principe révèle l'un des points fondamentaux de convergence avec la pensée de Hegel : "La réalité n'est humaine qu'à condition d'être sociale". (Kojêve)

 

Le champ spécifique de la recherche psychanalytique étant celui des relations sociales, son objet ne sera plus l'instinct mais le complexe. Par ce terme de complexe, il faut entendre la reproduction d'une réalité tant dans sa forme (soit les déterminations objectives de la réalité à une certaine étape) que dans son activité. Il s'agit d'une activité négative qui, face à l'exigence d'une nouvelle forme objective, tente de répéter la forme objective précédante. Par sa forme et son action, le complexe se comprend dans sa référence à l'objet, comme relation de connaissance.

 

S'il est relation de connaissance, cela n'implique que le sujet soit transparent à lui- même dans une entère conscience du complexe. En cela, Lacan est en accord avec Freud qui concevait le complexe comme facteur inconscient. L'image est la représentation inconsciente du complexe. Par sa fonction formatrice, elle en spécifie la forme et le contenu à chaque étape. Toutefois, le complexe n'est pas sans lien avec la conscience, au contraire, il est l'organisateur et le motivateur des passions et des rationalisations. Cette prédominance du complexe dans la rationalisation se traduit toujours sous une forme inversée. C'est donc dire que la connaissance consciente procède de la négation, que l'objet du complexe ne lui est accessible que par ce travail du négatif. Nous pouvons voir une nouvelle convergence avec la pensée de Hegel pour qui : "Le néant, pris seulement comme le néant de ce dont il résulte, est en fait le résultat véritable; il est lui-même un néant déterminé et a un contenu". (Phénoménologie de l'esprit. p.70)

 

L'intégration de ces formes d'objectivations, que constitue la série des complexes, s'effectue par le procès dialectique des identifications. Chaque forme nouvelle naissant d'une crise marquée du conflit entre une forme et sa réalité. Pour bien comprendre cette dialectique, il faut se référer à la dialectique de la conscience que a lieu entre son savoir et l'objet de ce savoir : "Si dans la comparaison, les deux moments (c'est-à-dire le savoir et l'objet) ne se correspondent pas (carence objective chez Lacan), la conscience paraît devoir changer son savoir de l'objet; mais dans ce changement du savoir se change, en fait, aussi l'objet même car le savoir donné était essentiellement savoir de l'objet. Avec le savoir l'objet aussi devient autre, car il appartenait essentiellement à ce savoir".

 

(Phénomènologie de l'esprit. p.75). Ainsi jaillissent le nouvel objet vrai et la nouvelle figure.

 

La dialectique va donc, d'un moment de crise où dans carence objective se révèle un rapport d'inégalité, à une identification résolutive. Ce passage s'effectue par l'action formatrice de la nouvelle image, qui fonde l'identification. Notons au passage que cette dialectique des identifications vient résoudre la contradiction relevée par Lacan chez Freud. Je me réfère ici à "Quelques réflexions sur l'ego" où l'on voit le hiatus dans la conception d'un moi qui se forme avec l'objet de l'identification et contre l'objet dans le narcissisme primaire. Le moi et l'objet procède d'une même action formatrice dont le moment contre l'objet peut être désigné comme moment narcissique présent dans chacun des complexes.

 

Avant de nous engager dans l'exposition dialectique de la série des complexes, je dois établir une distinction entre ce qui sera le résultat de la dialectique hégelienne et celui de la dialectique lacanienne. Si pour Hegel, la totalité des figures de la conscience est l'avènement de la raison; ici, il s'agit plutôt de la formation de l'imaginaire. De plus, la dialectique lacanienne ne se résout pas dans la pleine transparence du sujet à lui-même puisque d'une part, la série des complexe n'est accessible à la conscience qu`à travers la fonction de méconnaissance qui caractérise le moi et que d'autre part aucune identification n'arrive à réduire l'aliénation dans laquelle se trouve le moi.

 

Je voudrais mentionner que je n'oublie en aucune façon la dialectique du maître et de l'esclave, mais celle-ci ne trouvera les conditions nécessaires à son déploiement que dans le complexe d'oedipe. Dans le premier moment du complexe du sevrage, le désir ne porte pas encore sur un autre désir, mais seulement sur un objet naturel.

 

Le complexe du sevrage doit être compris comme la représentation primordiale de l'imago maternelle dont tous le complexes successifs porteront la marque. Première crise se résolvant en intention mentale, il est marqué de l'ambivalence du refus ou de l'acceptation du sevrage. L'ambivalence n'est aucune façon une contradiction puisque le moi n'est pas encore formé. La prévalence va toutefois au refus. C'est ce négatif qui constitue le positif du complexe : l'imago de la relation nourricière que l'intention mentale tend à rétablir.

 

Le rapport à la réalité sur lequel repose l'image maternelle est déterminé par les sensations proprioceptives de succion et de préhension. En conséquence, il se constitu comme "cannibalisme fusionnel". C'est ici l'occasion d'une critique à l'égard des concepts d'auto-érotisme et de narcissisme primaire élaborés par Freud. Il ne peuvent en rien caractétiser le rapport à réalité puisque le moi n'est pas encore constitué, n'a pas d'image.

 

Ces sensations proprioceptives qui déterminent le rapport à la réalité comme "cannibalisme fusionnel", doivent être mises en rapport avec le malaise primordial. Ils ont une même cause : cette discordance primordiale qui marque l'homme en tant qu'il est un animal prématuré. C'est elle qui fait qu l'homme devient homme, qu'il est d'emblé une être culturel. Par elle, s'impose le mouvement dialectique qui tend à résoudre la discorde dans l'identification.

 

C'est dans cette imago du sein naternel que prend naissance la tendance à la mort comme objet d'appétit. Si cette imago fut salutaire quant à l'inssuffisante maturation du nourrisson, elle prend les traits de l'abandon à la mort par lequel le sujet cherche à retrouver l'imago de la mère. Ces considérations nous amènent à voir qu'il n'est nulle besoin de recourir à la biologie, comme le fait Freud dans "Qu-delà du principe du plaisir", pour fonder cette tendance. En effet, celle-ci naît d'une formation culturelle : l'imago maternelle.

 

On peut voir le rôle de la sublimation se permétuer dans la vie psychique ultérieure. Il prend des formes telles celles de l'habitation. Ce rôle se montre encore dans une nouvellle, et peut-être seul véritable liquidation du complexe de sevrage, c'est-à-dire lorsque l'on quitte la famille. Deux commentaires s'imposent. D'une part, il est intéressant de noter que pour Hegel, la véritable reconnnaissance doit se trouver hors de la famille. S'il en est autrement, la reconnaissance n'a lieu que par la mort. C'est ainsi que Hegel relate ce moment tragique où Antigone voue sa vie à la tâche de donner une sépulture à son père Oedipe, qui en était devenu indigne par son crime. D'autre part, si la sublimation est dépassement d'une imago et qu'elle est aussi conservation puisque l'imago continue à jouer un rôle, on peurt en conclure que la sublimation est Aufhebung, la relève qui est négation-négatrice par laquelle la conscience s'élève à une nouvelle figure chez Hegel.

 

Seulement, il faut parcourir les autres complexes, car cette relève n'est pas encore accomplie. Le complexe d'intrusion consiste en une ébauche de la reconnaissance d'un rivale. La condition de cette ébauche et la similarité à l'autre, qui se cristallise dans l'identification. Par celle-ci, sont réveillées l'imago maternelle ainsi que l'imago du corps morcelé agit comme catalyseur ou vecteur agressif. Il marque le moment simplement négatif de l'identification. Mais ce moment de crise est surmonté dans l'imago spéculaire né grâce à l'identification.

 

Ceci s'explique par le masochisme primaire qui domine l'économie libidinale de ce moment. Le masochisme primaire étant motivé par le désir de mort; il est ce moment dialectique où le sujet assume le malaise, le sublime et le surmonte. La manifestation de cette relève se montre dans le jeux tels celui du fort:da. L'enfant joue d'une part à faire apparaître-disparaître dans l'image reflétée du miroir. L'enfant en vient à faire sur lui-même ce qu'il fait l'autre; jouer à se perdre et se retrouver. Si donc l'enfant se reconnaît un frère, il doit d'abord être dans un rapport d'inégalité où il ne correspond pas à son objet. Alors il le nie, l'envoie au loin (fort). Maid il s'agit à d'une négation simple dans laquelle l'individu ne fait que consommer un objet sans importance. "Le sujet l'abolit gratuitement en quelque sorte pour le plaisir, il ne fait que consommer la perte de l'objet maternel". (Complexes familiaux, p.15). Le rival n'est pas reconnu comme un autre mais simplement comme son double. C'est pourquoi le complexe d'intrusion n'est encore qu'un moment préparatoire à cette lutte pour la reconnaissance que constitue le complexe d'oedipe.

 

Lacan aborde le complexe d'oedipe en marquant la révision qu'une conception structurale apporte à la conception freudienne. Le principal apport de cette révision est "de situer dans l'histoire la famille paternaliste et d'éclairer plus avant la névrose contemporaine". (Complexes familaux, p.19). Cette critique porte d'abord sur l'absence de différenciation entre les deux fonctions de l'oedipe : soit celle de répression sexuelle et de sublimation qui viendront se fixer sous la forme de surmoi et de l'idéal du moi. Cette confusion étant le fruit de ce que Lacan nomme le défaut le plus marquant de la doctrine, c'est-à-dire une conception strictement dynamique.

 

Considérons la répresion. Freud voit son prototype dans la crainte que le père inspire au fils. Sur cette base, il effectue un "saut théorique": le passage de la famille conjugale à son hypothétique origine dans la horde primitive. Cette hypothèse est établit par le lien posé entre le totem et le tabou de l'inceste. Après le meutre du père primitif, les fils auraient élevé la figure du père à la forme de la loi répressive. dans une obéissance rétrospective, ils se seraient soumis à la suprématie du père. La première critique de cette hypothèse sur l'origine de la civilisation, est qu'elle pose comme prémisse cela même dont elle devait montrer l'avènement. Enfin, les traces et présences d'une structure matriarcale montrent que l'origine de la famille humaine trouve ses fondements ailleurs que dans la force du mâle.

 

C'est donc dire que le moment de la répresion ne se fonde pas sur la crainte de l'imago paternelle comme l'affirme Freud dans sa conception du complexe de castration. Le fantasme de castration s'inscrit dans la suite d'une série de fantasmes de morcellement liés à l'imago maternelle. Il s'agit de l'objet narcissique qui se pose comme défense du moi; objet que Lacan décrit en ces termes : un mannequin hétéroclite, une poupée baroque, un trophée de membres et non pas un corps réel. Si cet objet est tel, c'est qu'il est né de formes imaginaires qui anticipent sur l'unité à venir du corps propre du sujet. Nous assistons donc au retour decette image spéculaire qui vint apaiser l'angoisse dont la forme était celle de l'imago du corps morcelé. Ce moment de crise trouve sa cause non pas dans le désir génital du sujet mais dans l'objet qui fait retour.

 

Dans la forme résolutive de l'identification, le complexe d'oedipe permet la sublimation de cette forme narcissique. La nouvelle forme qui jaillit de ce dépassement est l'idéal du moi. Lacan réfute la conception freudienne selon laquelle celui-ci ne serait que le remplaçant du narcissisme perdu. Dans ce cas, l'imago ne serait pas le nouvel objet du moi produit dans le mouvement dialectique, mais seulement ce qui s'oppose à lui sous la forme inconsciente du surmoi et de l'idéal du moi.

 

Cependant, il nous faut considérer que l'objet de l'identification n'est pas cet objet naturel qu'est la mème, mais plutôt un désir. "(...) ce n'est pas le moment du désir qui érige l'objet dans sa réalité nouvelle, mais celui de la défense narcissique du sujet". Par la dissolution de la réalité qui avait la forme de l'équivalence dans le double, naît l'objet rival, le tiers objet de l'identification. C'est là toute l'originalité de l'identification oedipienne. L'objet vient s'inscrire à la place du double et le lui oppose comme idéal. L'objet n'est plus "moyen à la satisfaction d'un désir, mais pôle aux créations de lapassion". (complexes familiaux, p.27). Nus r130f130rent à la penséehégelienne, nous pouvons dire qu'ainsi se trouve réalisée la condition nécessaire à la lutte pour la reconnaissance. L`avénement de cette condition tient à la spécifité de l'imago paternelle. Celle-ci réunit en une seule personne les fonctions de répression et de sublimation (soit les deux moments négatifs). Si l'on considère les complexes d'un point de vue historique, le matriarcat nous présente ces deux fonction séparées, l'une allant à l'oncle maternel, l'autre au père. Cette séparation ne permet pas le mouvement dialectique dans sa totalité. Par ailleurs, Lacan souligne le caractère tyrannique de cette forme de la famille où (...) réalisent avec la rigueur la plus cruelle - victimes humaines démembrées ou ensevelies viantes - les fantasmes de la relation primordiale à la mère (...)". (complexes familaix, p.29). Pour Lacan, l'avènement salvateur de la forme patriarcale explique le prophétisme juif. Son statut de peuple élu et persécuté tient à ce qu'il est possesseur du patriarcat et doit se défendre contre les cultures matriarcales pour le maintenir.

 

L'eglise joue un rôle important dans l'émergence de cette forme moderne de la famille. Dans le privilège accorder au mariage et au libre choix du conjoint, elle ouvre la voie aux exigences de l'individu. C'est dans cette forme que la psychanalyse trouve son objet; soit les rapports de la psychologie de l'homme moderne avec la "famille conjugale".

 

Cependant cette forme n'est pas le point culminant de mouvement dialectique. Dans la dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel, elle représente la cristallisation de la relation domination/servitude. Pour arriver à la pleine reconnaissance, la figure déifiée du père doit être dépassée. Comme l'indique Lacan, la famille moderne porte en elle les conditions de sa dissolution : tout d'abord parce que l'autorité est dans une position accessible à la subversion (à titre d'exemple, l'enfant qui joue à intervertir l'ordre des générations). Ensuite parce que l'idéal du mois comme forme de l'identification est appropriation des qualités de l'objet, c'est-à-dire le père. Et enfin parce que le père est à la fois le porteur de l'interdit et l'exemple de sa transgression

 

Lacan propose, tant ce texte que dans les "quelques réflexions sur l'ego", que ce mouvement est déjà en marche. Il se verrait à cette déhiscence de l'imago paternelle. Lorsque l'aura de al déification vient à tomber, la carence de la personnalité du père fait son apparition.

 

La carence de cette objet d'identification ne peut manquer de produire ses effets dans la fonction de l'idéal du moi. Elle "(...) vient à tarir l'élan instinctif comme à tarer la dialectique des sublimations". (complexes familiaux. p.31).

 

Davantage à titre de question, Lacan énonce la possibilité que cette crise soit la condition d'apparition de la psychanalyse. "Le sublime hasard du génie n'explique peut-être seul que ce soit à Vienne (...) qu'un fils du patriarcat juif ait imaginé le complexe d'Oedipe". (complexes familiaux. p.31)

 

Peut-être serait-il pertinent de nous interroger sur les incidences cliniques de cette proposition. L'analyse pourrait-elle être considérée comme le procès dialectique qui mène au dépassement de l'imago paternelle. Ou encore devrait-elle mener l'analysant à la forme véritable de la reconnaissance qui est dépassement de la relation maître/esclave?

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