FONCTION ET CHAMP ...

INTRODUCTION

Nous avons maintenant perdu suffisement notre temps à emprunter des voies qui nous ont détourné de but de notre travail. Nous avons eu avec la présentation de Sergio Contardi un aperçu de la manière dont le texte lacanien est traité sur l'Axe Franco-Italien. La proximité du Vatican entraîne peut-être les italiens à accentuer l'aspect dogmatique de leur référence au texte de Lacan. De la manière dont Contardi en parlait ce n'etait plus tant un texte que Le Texte, la référence absolue. Ce n'est pas la manière dont nous lisons Lacan. Il ne s'agit pas pour nous d'y trouver, d'y puiser un savoir constitué comme dans un traité de médecine, mais de le questionner tout en nous laissant questionner par lui dans une référence constante et explicite à notre pratique et tout en tentant dans le même temps de dégager une certaine axiomatique qui pourrait fort bien avoir profondément marqué le champ de la psychanalyse.

Ceci n'est qu'un rappel de la prise de position qui fonde notre travail de relecture.

NOus allons laisser de côté le texte: Le mythe individuel du nevrosé et la lecture de l'Homme aux Rats qu'il nous présente pour un peu plus tard. Jean Imbeault se chargera de nous en parler. Je voudrais que nous consacrions les deux mardi d'avril à la lecture de Fonction et Champ de la Parole et du Langage en psychanalyse qui constitute le second volet de ce véritable diptyque théorique dont le premier volet etait la conférence : Le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel. Dans ce premier volet, Lacan ramenait à trois, les catégories fondamentales de la psychanalyse : le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel.

Comment considérer ce postulat? Il me semble qu'il faille l'entendre de façon restrictive - du moins dans un premier temps - à savoir que les phénomènes auxquels le psychanalyste à affaire dans le champ spécifique de la pensée et de la pratique psychanalytiques se répartissent entre trois registres ou trois catégories et seulement trois. Lorsque je dis qu'il vaut mieux prendre ce postulat fondamental de façon restrictive je veux dire qu'il vaut mieux ne pas l'étendre d'emblée au tout de la réalité humaine ni s'éfforcer de repérer à tout prix ces trois catégories au fondement d'autres disciplines en se livrant à toutes sortes de réductions très problematiques. Certes, la tri-categorialité existe ailleurs, en théologie, par exemple, oû elle a un sens et une fonction très differents; dans la sémiotique de Peirce également, d'où Lacan semble l'avoir détournée. Nous aurons - et vous verrez qu'il s'agit là d'une tâche colossale - à nous interroger sur les rapports de la psychanalyse et de la sémiotique, car nous aurons à élaborer une théorie psychanalytique du Signe - dont Lacan a maintes fois rappelé qu'il ne faudrait surtout pas croire que ce ne serait pas aussi l'objet de la psychanalyse, tout en se gardant bien de l'aborder de front et en se limitant à l'élaboration d'une théorie du signifiant. Je vous rappelle que si le signifiant est défini par Lacan de représenter - comme nous allons commencer à le voir aujourd'hui - le sujet pour un autre signifiant, il définit le signe comme ce qui représente quelque chose pour quelqu'un. Définition ultra-classique et tout-à-fait insuffisante.

Le Symbolique, c'est le registre ou la catégorie propre aux signifiants et aux sujets qu'ils représentent pour d'autres signifiants. Je ne reviendrais pas sur ce qu'est l'Imaginaire, registre propre aux imagos, plutôt qu'aux images, et au moi. Et nous ne parlerons pas de sitôt du Réel qui ne sera conceptualisé que beaucoup plus tard. Mais je vous ferai remarquer qu'au point où nous en sommes du développement de la pensée de Lacan, le Signe n'a de place spécifique dans aucun des trois registres. Il est sinon totalement absent, du moins délibérement mis de côté par Lacan, ainsi d'ailleurs que la conscience, au sens de consciousness ou Bewusstsein. Il ne s'agit évidement pas de la conscience morale qui est tout autre chose.

Il est important de ne pas aoublier cela car le sujet, chez Lacan, ne se définit absolument pas parce qu'il aurait conscience de ce qu'il dit ou de ce qu'il pense voire de ce qu'il fait.

Le Sujet, c'est précisément ce qui est enfin mis en question dans le texte dit du Rappport de Rome ; Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse.

II Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse.

Le texte est designé en sous-titre comme étant le rapport du Congrès

de Rome tenu à l'Istituto de Psiclogia della universita di Roma, les 26 et 27 septembre 1953.

Dans la première phase de la préface - après l'éxergue sur lequel nous aurons à revenir - Lacan signale : "Le discours qu'on trouvera ici mérite d'être introduit par les circonstances. Car il en porte la marque."

Ajoutons tout de suite que ce n'est pas seulement le discours de Rome qui porte la marque des circonstances en question mais tout le développement ulterieur de la pensée de Lacan jusqu'au drame de sa dissolution; de l'enthousiasme inaugural qui fait dater le discours de Rome en passant par la rage et l'amertume qui surgissent au tounant du Séminaire sur l'Angoisse en 1963, jusqu'à l'agonie finale des anées 78 à 81.

II. A . Les Circonstances du Discours de Rome

Ces circonstances se sont manifestées en une série de ruptures entre Lacan, ses "amis" et des élèves et l'institution psychanalytique. Ruptures qu'on peut lire de diverses manières.

1) On peut dans un premier temps - le plus immédiat - les voir comme une lutte pour le pouvoir caractéristique de toute institution quelle qu'elle soit. C'est la dimension politique.

2) Dans un second temps, on peut les voir comme une mythification héroïque de l'image de Lacan par les analystes eux-mêmes. C'est la dimension idéologique.

3) Dans un troisième temps on peut y voir autant de symptômes de la structure de Lacan, mal ou peu ou pas analysé par Loewenstein. C'est la dimension psychologique.

4) Enfin, dans un quatrième temps, on peut y voir la mise en acte des certaines des ruptures epistemologiques et leur conséquences nécéssitées le maintien de toute coupure epistemologique lorsqu'elle a donné naissance à une nouvelle discipline et qu'il s'agit d'affirmer, de soutenir et de préciser envers et contre les disciplines originelles la specificité de la nouvelle-née. C'est la dimension epistemologique.

II. A. 1.

Des dimensions 2 et 3, l'héroïfication de Lacan, la sacralisation de son texte et le type de rapport imaginaire, certes, mais non sans concretisations redoutables -je pense à l'Ecole de la Cause - que cette fomentation mythique mystifiante a crée entre les analyste, je n'ai rien à dire, du moins pour l'instant, pas plus d'ailleurs que des manifestations symptômales qui se seraient accentuées dans le comportement de Lacan avec les années et temoigneraient d'une structure psychopathique laissée intacte par l'analyse.

C'etait en tout cas l'opinion de la Princesse Bonaparte qui considérait Lacan comme un paranoïaque au narcissisme phénomènal (lettre à Loewenstein du 2 juillet 1948). Quelques 5 ans plus tard, au moment de la rupture, Loewenstein -dans une lettre à Marie Bonaparte qui accuse Lacan d'être responsable de l'agitation au sein de la Société Psychanalytique de Paris - dira ce qu'il pense de Lacan : "Ce que vous me dites de Lacan est bien désolant. Il a toujours été une source de conflits en moi; d'une part j'estime grandement sa valeur intellectuelle, bien que je sois souvent violement en désaccord avec lui. Quoi qu'il en soit il est malheureux qu'en dépit de notre accord qu'il poursuivrait son analyse après son élection à la Société Psychanalytique de Paris, il ne l`ait pas fait. On ne triche pas impunément sur des questions d'une aussi grande importance. Ceci entre nous, j'espère bien que ses élèves trop hâtivement (c'est-à-dire incomplètement) analysés ne seront pas admis." On sait que ce genre d'argument fut repris par d'innombrables analystes hostiles à Lacan, la dernière en date, Jeanine Chasseguet Smirgel en ayant fait un thème de sa croisade pour être elue à la presidence de l'Association Psychanalytique Internationale, sans succès, il faut bien le signaler.

Certes, la question de la structure de Lacan, n'est pas sans intérêt, mais elle est à dégager de la lecture de son oeuvre parlée si tant est que Lacan y aurait éffectué "la passe" publiquement et pendant près de trente ans et que son seminaire soit également le deploiement et la continuation de son analyse.

II. A. 2 Avant d'examiner les points 1) et 4) c'est-à-dire la question des luttes de pouvoir et celle des ruptures épistemologiques, jetons un coup d'oeil sur la manière dont Lacan présente les-dites circonstances dans sa Préface au Discours de Rome.

Tout d'abord, Lacan indique à ses auditeurs que son discours, prévu et écrit pour être présenté au Congrès des Psychanalystes de Langue Française organisé annuellement par la Société Psychanalytique de Paris, est présenté hors congrès en raison de la sécéssion d'un groupe de psychanalystes de la Société Psychanalytique de Paris.

Des dissentions graves s'étant produites au sein de la Société Psychanalytique de Paris à l'occasion de la fondation d'un Institut de Psychanalyse, le groupe minoritaire auquel appartenait Lacan démissionna de la Société, *** le groupe majoritaire dirigé par Sacha Nacht ent(5b) empecher Lacan de parler à Rome.

On l'enjeu de ce discours n'était pas mince puisqu'il devait d'une part "rénover en sa discipline les fondaments qu'elle prend dans le langage" et d'autre part, s'adressant d'abord aux étudiants, il devait également reformuler "la conception que les psychanalystes se font de leur (6) auprès du malade, le leur place dans la société des espirts, de leurs realations à leurs pairs et de leur mission d'enseignement" à la lueur des principes mêmes de la discipline psychanalytique renovés d'avoir trouvé dans le langage leur fondement véritable.

Le Discours de Rome a donc explicitement une double portée épistémologique et didactique.

1) épistemologique "en mettant en question les fondements de l'analyse" et comment et pourquoi cette mise en question?

"Dans une discipline qui ne doit sa valeur scientifique qu'aux concepts théoriques que Freud a forgé dans le progrès de son expérience, mais qui, d'être encore mal critiqués et de conserver pour autant l'ambigüité de la langue vulgaire, profitent de ces résonances non sans encourir les malentendus, il nous semblerait prématuré de rompre la tradition de leur terminologie"

Disons que si Freud a fait une découverte authentique en découvrant un nouvel objet de connaissance, l'inconscient, et une nouvelle méthode d'étude et de construction de cet objet, la psychanalyse, c'est-à-dire si Freud a opéré une revolution scientifique ou encore une coupure epistemologique dans le champ des connaissances scientifiques de son temps, il n'a pu le faire que dans les termes déjà en usage dans d'autres disciplines tout en profitant de la duplicité du langage, de la polysémie des mats due à ce qu'on appelle en linguistique : la valeur (c'est-à-dire le sens donné par le contexte) pour faire dire à ces termes autre chose que ce qu'ils disaient dans le contexte des disciplines où Freud les a prises. C'est ainsi que l'inconscient das Vubewasst, prend dans le contexte du nouveau discours psychanalytique en tout autre sens que celui que Harman lui avait donné en philosophie ou encore que Jackson lui avait donné en neurologie. Jacques Nassif dans sa volumineuse étude de l'inconscient chez Freud montre bien comment s'effectue chez Freud ce détournement de termes qui s'ils n'appartiennent pas à la "langue vulgaire", comme le prétend Lacan, appartiennent toutefois au langage courant des esprits cultivés.

Pourquoi l'emploi de ces termes et pourquoi pas l'emploi de néologismes plus précis? Précisement par une sorte de duplicité stratégique : pour que la radicale nouveauté de la découverte freudienne passe en partie inaperçue et soit plus facilement acceptée par la communauté scientifique d'alors, dans un langage commun d'elle -au risque de malentendu-que dans un langage radicalement nouveau donc ésoterique. Curieusement d'ailleurs Lacan fera la même chose en reprenant les termes de "sujet" à la (p.7) cartesianne ou de "signifiant" à la linguistique, avant de créer, sur le tard, de nouveaux mots, des néologismes-peux-de-mots en inventant par exemple, l'Une-(p.7) au lieu et place de l'Unbewusst freudien. Mais il le fera au moment où il prétendra que c'est lui aui aura inventé l'inconscient et non Freud, en 1976-1977 dans le seminaire intitulé l'insu que sait de l'une-(p.7b) s'aile à (p.7).

C'est donc cette ambiguité sémantique cette duplicité de la terminologie freudienne, qu'il s'agit de critiquer afin de dégager les concepts eux-mêmes, grace aux quels la coupure freudienne s'est effectuée, dans toute leur pureté (entendons leur pouvoir de maintenir la coupure ouverte). Mais il ne s'agit pas encore d'inventer d'autres signifiants en lieu et place de ces termes ternis par l'usage et menacés de (p.7b) par l'habitude.

"Il nous semble, remarque Lacan, que ces termes ne peuvent que s'éclaicir à ce qu'on établisse leur équivalence au langage actuel de l'anthropologie, voire aux derniers problèmes de la philosophie, où souvent la psychanalyse n'a qu'à reprendre son lieu".

Cette indication est lourde de conséquence et il n'est pas sûr à y regarder de prés qu'elle ne constitue pas un dangereux faux-pas qui fera boîter tous les developpements subséquentes. De quoi s'agit-il?

L'idée de "nettoyer" la terminologie freudienne de ce qui colle encore a elle de ses origines psychiatriques, neurologiques, physiologiques, philosophique, et thermo-dynamique n'est pas nouvelle. Elle occupait le devant de la science psychanalyse du temps de Pichou avant la guerre, mais elle était alors entravée par le souci idéologique nationaliste de égermaniser la pensée freudienne et de la galliciser. Imaginer un peu un psychanalyste qui voudrait québeciser Lacan ou la psy fran?aise et qui deciderait de rebaptiser ce que Green appelle le transfert visqueuse (au Lacan la lamelle) : "la poutine"... cela ferait effet et probablement rendrait la psychanlayse plus acceptable dans le grand public, mais au prix de quels malentendus? Il y a pourtant des analystes qui y pensent.

Que fait Lacan? Il ne critique pas seulement la terminologie freudienne par une critique interne même s'il peut prétendre "Urgente ... la tâche de dégager dans des notions qui s'amortissent dans un usage de routine, le sens qu'elles retrouvent tant d'un retour sur leur histoire (critique historique) que d'une reflexion sur leur fondements subjectifs" (critique epistémologique). Il entreprend sa critique en faisant appel "à une équivalence au langage actuel de l'anthropologie", c'est-à-dire en utilisant le modèle conceptuel linguistique qui, Louise Tassé nous l'a montré, s'est avéré être un instrument de formalisation si riche et si puissant entre les mains de Levi Strauss qu'il aura permi l'élaboration d'une nouvelle anthropologie dite structurale; mais il fait également appel "aux derniers problèmes de la philosophie" il ne s'agit plus ici de Hegel mais de la philosophie par excellence du questionnement de l'136tre dans son rapportau langage, au Logos : la philosophie de Heidegger pour qui "l'être-homme, selon son essence historiale, ouvrant l'histoire, est

logos ..."

Or suffit-il de paser le langage et la parole au fondement de la psychanalyse pour s'empresser d'aller chercher des équivalences conceptuelles là où, éffectivement, la science et la pensée du langage aut en des effets de refautes épistemologiques spectaculaires (en anthropologie et en phenomenologie), sans encourir le risque de déplacer les malentendus et de remplacer l'ambiguïté sémantique qui marquait des concepts freudiens par une autre; à moins de paser -ce que ne fait pas Lacan- que la psychanalyse l'anthropologie et la linguistique structurales ainsi que l'antologie Heideggerienne appartiendraient à une même (p.9) epistemologique. C'est cette ambiguïté qui permettra à Jean Luc Nancy et Philippe Lacane-Labarthe de critiquer la théorie lacanienne du signifiant, comme ils l'ont fait dans le titre de la lettre, en lui reppochant ses paradoxes et son derobement constant à toute saisie, à toute comprehension globale, synthetisante et totalisante (pour ne pas dire totalitaire). Mais c'est cette même ambiguïté, cette fuite constante du concept le (p.9b) la ligue de décement des signifiants que Lacan revendiquera comme le propre de la theorisation psychanalytique; en d'autres termes leur constante oscillation metaphora-metanymique, entre le pôle oû ils ne sont que métaphores volant-our et la ligue de fuite oû les fait glisser le déplacement metanymique. Quelle saloperie de perversion intellectuelle et quel inmonde pervers que ce Lacan! clamora Roustang en icho au "that mad man" de Marie Bonaparte.

On va venir à quel point la conception de la psychanalyse et de la fonction de didacticien pasée par Lacan est aux antipodes de celle prônée par le groupe de Nacht au moment de la création de l'Institut. Il suffit d'opposer à ce qui vient d'être dits de la position épistemologique de Lacan, l'exerque que le groupe Nacht avait placé en tête des statuts qu'il proposait pour le nouvel Institut et qui est extrait d'un ouvrage de Mourgue et Manakow : Introduction biologique à l'etude de la neurologie et de la psychopathologie : "En particulier il ne faudra pas oublier que la séparation en embryologie, anatomie, physiologie, psychologie, sociologie, chimique, n'existe pas dans la nature, et qu'il n'y a qu'une discipline : la neurobiologie, à laquelle l'observation nous oblige d'ajouter l'epithète d'humaine en ce qui nous concerne."

C'est donc à une "neurobiologisation" radicale de la psychanalyse que veulent se livrer Nacht et son groupe en faisant d'abord une thérap[ie, branche de la médicine, dont la dimension théorique ne saurait être considerée comme autre chose que comme une "hypothèse de travail". Pourquoi cette position? Pour deux motifs : d'une part elle se fonde sur une epistemologie de type continuiste où la science progresse de façon continue et au chaque nouvelle découverte vaut par son apport aux disciplines déjà établies. "Par son caractère général, la psychanalyse apporte aux autres disciplines un mode nouveau d'appréhender l'objet d'étude de cette discipline" ... "Dans ses applications pratiques, la psychanalyse s'est avérée utile et nécéssaire en psychopathologie puis en médecine -comme en témoigne tant le mouvement de la medecine psychosomatique".

D'autre part il s'agit d'une revendication de scientificité au sein des sciences déjà existentes et non pas contre (comme dans l'epistemologie (p.10a); "C'est dire que les tenants actuels de la psychanlyse classique (terme beaucoup plus rassurant que celui de révolution psychanalytique) savent que la discipline à laquelle ils adhèrent n'a qu'une valuer relative à l'égal des autres mouvements scientifiques"

Les grands courants de la psychanalyse américaine sont pris dans cette épistemologie de type continuiste comme en temoigne un ouvrage historique comme celui de Sullamay sur Freud, Biologist of de Mind, mais aussi la plupart des ouvrages de psychanalyse des 30 dernières années. Lorsqu'ils s'efforcent d'inscrire la psychanalyse soit dans la médecine (les gens de la (note 10-a) Clinic) soit dans la psychologie cognitive (rapport, Klein et la Ego voire la Self psychanalyse en general) soit dans une sorte de sociologie générale de la culture fort peu structurale (Erikson et les culturalistes). Sans doute trouve-t-on quelques persons plus radicaux comme le fut Norman O'Brown, mais ils sont rares, tant on dirait que les travaux des épistemologues discontinuistes comme Th. (note 10-a ...)

Au regard de la scientificité de pla psychanalyse la position revendiquée par Lacan et son groupe est toute autre. Elle est d'abord une mise à distance de la question : "Ce n'est pas ici le lieu -projet de statut- de rechercher la place de la psychanalyse dans le système des sciences. On provoque autant de résistences à souligner ce qu'elle n'est pas qu'à formuler ce qu'elle est"; puis en déplacement radical vus le fait que ce qui doit s'enseiner n'est pas -comme en médecine et en biologie, mais quelque chose qui a le plus étroit rapport avec ce qui se découvre du rapport du sujet à la parole dans le cadre de l'analyse didactique et qui -de ce fait- situe l'analyse non pas au sein de la neurobiologie mais au contre (ce qui ne veut pas dire au dedans) de toutes les sciences de l'homme.

"C'est pourquoi -précise Lacan contre Nacht- la psychanalyse n'est réductible ni à la neurobiologie, ni à la médecine, ni à la pédagogie, ni à la psychologie ni à la sociologie, ni à la science des institutions, ni à l'etnologie, ni à la mythologie, ni à la science des communications, non plus qu'à la linguistique : et ses formes dissidentes (Jung/Adler) se disignent d'elles-m136mes en ce qu'elles la font tout cela qu'elle n'est pas.

A toutes pourtant elle a donné une inflexion decisive (entendons un contre-camp de la coupure et non un apport) et c'est de toutes qu'elle doit tirer son information."

 

2) La seconde portée du Discours de Rome est didactique, elle vise la formation concrète des analystes et la transmission de la psychanalyse.

Pour le groupe de Nacht, l'enseignement est simple il se fait en deux temps :

1.) une psychanalyse didactique -dont la fonction est reduite quant à ses buts à la plus simple expression : "une experience propre des résistances et du transfert" qui se deroulera de préférence sur un rythme de 4 à 5 seances par semaine (exceptionnellement 3) de 3/4 d'heures chacune. La durée moyenne d'une psychanalyse didactique etant de 250 à 300 seances"

2.) une scolarité obligatoire calquée sur les études de médecine, avec contrôle obligatoire et contrôle des présences, en 3 cycles

a) . théorie générale de la psychanalyse dans son rapport à la médecine;

. clinique psychanalyse (clinique psychiatre/, ou chaque

. technique psychanalyse

Tout autre cams serait à option (aucun n'etait prevu)

b) des stages obligatoires

- en psychaitire : 1 an

- en neuro-psychiatrie (p.12) 6 mois

- en pédiatrie : 6 mois

Ces stages exigeanent qu'à de rares exceptions (p.12) les étudiants soient médecins pour pouvoir être suivis : (il est aussi rappelé que l'exercice de la psychanalyse reste soumis aux régles (p.12) l'exercice de la médecine)

3.) les contrôles

Le tout est couronné d'un diplôme qui devra être reconnu par l'etat à l'egal d'un diplôme de medecin spécialisé.

 

Bien sur, Lacan s'oppose véhémentement à l'autoritarisme et au formaliseme d'une telle formation qu'il compare ironiquement à une auto-école qui non contente de prétendre au privilège singulier de délivrer le permis de conduire et s'imaginerait être en posture de contrôler la construction automobile". Et c'est en appuyant sur de tous autres presupposis qu'il a réflechi à la formation des analystes et à un mode d'enseignement centré par la question de la verité et de sa méthode plutot que (p.12-a)d'un savoir positif ainsi que par la démystification des camouflages subjectifs (plutôt que par la fortification du moi et son identification au psychanalyste idéal "qui fait du (p.12-a) de l'opinion des (p.12-a) le principe d'une prudence docile où l'authenticité de la recherche s'ém(p.12-b) avant de se (p.12-b)

C'est donc -le retour à Freud l'exige- sur un tout autre (p.12-b), tiré du texte de Freud sur l'analyse laïque -que Lacan appuie son projet d'enseignement :

"Si l'on avait -idée qui semble aujourd'hui fantastique- à fonder une faculté analytique, on y enseignerait certes bien des matières que l'Ecole de médecine enseigne aussi : à côté de la "psychologie des profondeurs", celle de l'inconscient qui resterait toujours, la pièce de résistence, il faudrait y apprendre dans une mesure aussi large que possible, (c'est donc là-dessus que porte l'account plus que sur la médecine), la science de la vie sexuelle, et y familiariser (pas endoctriner) les elèves avec les tableaux cliniques de la psychiatrie. Par ailleurs l'enseignement analytique embrasserait aussi des branches fort etrangères au médecin et dont il n'entrenait même pas l'ombre au cours de l'exercice de sa profession : l'histoire des civilisation, la mythologie, la psychologie des religious, l'histoire et la critique littéraires ..."

Sans doute la psychanalyse didactique reste-t-elle "la porte d'entrée d'un enseignement oû la formation technique commande l'intelligence théorique elle-même", mais sa durée et sa frequence sont à définir dans chaque cas en fonction des peripéties du cas. Par ailleurs la didactique doit imposer à l'enseignement sa forme pour autant que "l'un et l'autre de ces échanges transformant leurs sujets par leur seule médiation, dans la mesure où le fait humain du don reste latent dans tout usage de la parole".

C'est donc une fois franchie l'experience de la didactique "qui, au-delà de sa valuer d'initiation à la matière psychanalytique et d'élucidation aussi extrême que possible de ses jeux (et des jeux qui unissent le sujet, le "je" à la parole et au langage), a pour fin une réduction des formations réactionnelles qui, dhez le futur praticien, peuvent faire écran à sa compréhension thérapeutique au infléchir sa conduite dans les cures selon ses affinités passionnelles", ... c'est une fois franchi la didactique sur toute une série de rapports psychologiques concrets que se fondera la formation

-Rapports avec l'analyste didacticien,

-Rapports avec les patients lors des contrôles

-Rapport avec la pensée de Freud,

le tout, non pas sous les espèces d'un endoctrinement à sens unique mais sans la forme d'une constante dialectisation de ces rapports, d'une constante circulation de la parole entre maîtres et étudiants et sur le mode d'une participation à des recherches selon les axes

-1) du commentaire de textes originaux, dont en premier cause de Freud

-2) de la technique contrôlée où l'étudiant peut reconnaître (et non apprendre) la fonction créatrice de la praxis et la valeur de l'analyse comme science du particulier, mettant à l'épreuve, dans la durée d'une experience, la relation des régles à leurs effets dans le cas" p.55

-3) de la critique clinique et phénomènologique des données de la psychopathologie classique

-4) de la psychanalyse des enfants comme lien frontière où se travaillent les etapes du developpement infantile des sujets.

A ce travail seront invités à des fins de confrontation, les spécialistes des disciplines affines, afin que l'institut ne s'enferme pas avec la psychanalyse dans un isolement doctrinal voire dogmatique, mais soit l'hôte d'`une vaste confrontation culturelle permettant de mesurer tous les effets de la coupure epistemologique sur les autres sciences.

"Pour la formation des sujets, (et non des medecins spécialistes) conclut Lacan dans son Projet de Statut, c'est à l'esprit qui se fera join chez chacun dans un travail de table ronde ou d'équipe, stimulant l'élaboration culturelle, la reflexion méthodique autant que l'émulation technique (et non dans un savoir par coeur et une technique faite d'automatismes) que nous nous fierons pour le rendre propre (cet esprit) à une fonction qui sans doute l'élève à sa dignité éminente, mais aussi lui donne la charge d'une responsabilité infinie ... L'Institut sera refconnu avant tout à la valeur de ses élèves, et ceux-ci ne seront pas jugés seulement à leur succés de thérapeutes, mais à leur part dans l'oeuvre humaine" p.56

Je passe sur les questions de détails : critères de sélection des étudiants, mode de fonctionnement institutionnels, rapports entre Institut et Société. Nous y reviendrons et reprendrons tout cela lorsque nous etudierons la fondation de l'EFP où Lacan pourra enfin faire ce qu'il souhaitait déjà réaliser en 1953 à la SPP; mais où c'est l'enseignement selon Nadit qui prevolut.

 

II. A.3 Je voudrais maintenant brievement croquer le premier point concernant les circonstances qui ont amené la secession et déterminé la visée et le contenu du rapport de Rome : les luttes de pouvoir. Disons la question politique.

La conjoncture politique joue un rôle important et souvent peu ou mal considéré dans le conflit qui a opposé Lacan à la SPP. Il faut reconnaître à Rondinesco malgré son amour pour Lacan et le tan apologitique de son récit, de l'avoir nettement mis en évidence.

Je rappelerai certains points, à titre d'information et surtout pour vous inviter à réflechir sur ces questions ici-même au Qu/bec.

Nous sommes donc en 1953, à huit ans de la fin de laguerre de l'occupation de la France pour les allemands et des procédures d'extermination systematique des juifs par les nazis. Des juifs et de quelques autres : les gitans, les homosexuels, les (p.14-b), les debiles, etc. Après la fin de la guerre les partis de gauche, qui aut pris le devant de la scène politique. Les nationalistes pro-allemands et collaborateurs comme Laforque et/ou Hesnard et quelques autres sont fort mal mis à la SPP et en grande parties ecartés lorsqu'ils ne s'éloignent pas d'eux-mêmes. La dudaïté de Freud joue en sa faveur contre sa germanité qu'on oublie. On ne saurait plus parler de la psychanalyse, condamnée par le IIIème Reich, comme d'une science Boche.

Les socialistes et les ommunistes ont également puissement penetré dans les milieux psychaitriques sous l'aile protectrice de Henri Ey, et ils y ont non seulement fait une critique narxiste de la psychiatrie, mais profondement remanié la politique et les institutions psychiatriques en France. C'est le (p.15) de la psychathérapie institutiionnelle (avec Tasquelles, (p.15) Folin, etc.)

La mode intellectuelle des gens de gauche est à la critique des idéologies et des sciences bourgeoises ainsi qu'à l'auto-critique des groupes de gauches (p.15). C'est l'influence stalinienne les purges qui est ici prevalente. Des psychiatres socialiste d'occassion (p.15) ou authentiquement communistes (les 2 Kestemberg) qui ont reçu une formation psychanalytique à la SPP ont redigé une autociritique de la psychanalyse : idéologie reactionnaire, qu'ils ont publié d(p.15) ciritique en 1969. Je veux vous en lire l'Introduction pour vous en donner le ton :

Bien entendu, au nom de la neutralité, ce texte ne fut jamais discuté au sein de la SPP même s'il retarda de plusieurs années la titularisation de Jean Kestemberg.

Par contre les deux prises de positions de Nacht et de Lacan sont toutes deux une prise de position implicite contre ce texte inspiré par le tout-puissant Politzer, et les critiques formulée dans les années 20 contre Freud par le grand marxiste M. Bolchtine. A la definition de la psychanalyse comme ideologie bourgeoise et individualiste proposée par ce texte, Nacht oppse que la psychanalyse est une sciance à part entière, membre de la neurobiologie donc politiquement neutre et se developpant hors du contexte de la lutte des classes ou du mains en marge. Quant à Lacan à la critique que l'individualisme triompherait dans l'analyse, il oppose que l'analyse est une théorie du sujet, d'est-à-dire des rapports inter-subjectifs en tant qu'il sont réglés par l'ordre du Symbolique qui (p.15-b) et non pas des rapports interindividuels dominés par l'ixploitation et la lutte des classes eux mêmes sous-tendus en dernière analyse par des rapports de production, encore qu'à la différence de Nacht, Lacan soit loin de refuter la théorie marxiste mais il place la psychanalyse ailleurs, dans un autre champ de pensée, quitte eventuellement à emprunter au marxisme certains de ses concepts fondamentaux comme la plus-value qu'il détournera en plus-de-jouir.

Ajoutons enfin que les positions de Nacht et de Lacan si prudentes au regard du politique de leur époque, leur non-comitment reflétent assez bien l'attitude des analystes français pendant la guerre de 39/40 et l'occupation de 40/45. Puisqu'aucun n'a fait de résistence, à part Schiff, il y eut peut de collaborateurs (p.16) à part Laforque, le reste a continué à pratiquer dans l'ombre soit à Paris, soit dans la France Libre. Mais on ne peut en aucune façon considérer le geste de Lacan d'aller rechercher au commissariat de police les dossiers revelant les origines juives de sa maitresse, Sylvia Bataille-Macklès, de la soeur d' (p.16) épouse du peintre André Massan et de leur mère, comme un acte spectaculaire de résistence comme le veut Miller. Par sa famme, Lacan avait trop d'appuis dans les milieux gouvernementaux français de l'époque pour être sérieusement inquiété pour un geste de ce genre qu'on peut considerer, au mieux, comme un geste de courage personnel pour une maîtresse qu'il aimait alors passionnemment et qu'il devrait épouser aprés la guerre. En etant un peu sarcastique, je dirais que l'altruisme de Lacan n'a jamais excédé le cercle restreint de ses amours narcissique.

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