La Presse, January 19th 1998 |
Lancement triomphal de Notre-Dame-de-Paris
Plamondon et Cocciante tiendraient un succès
de l'ordre d'Evita ou de Cats, selon des routiers du Midem
Robitaille, Louis-Bernard
Cannes
Les professionnels du "showbiz" ne sont ni des tendres ni des enthousiastes naïfs. Il y en avait 1500 hier en fin d'après-midi au grand auditorium du Palais des festivals àCannes pour le lancement, en chair et en os, de Notre-Dame-de-Paris, le nouveau spectacle musical écrit par Luc Plamondon sur une musique du Franco-italien Richard Cocciante. Et, dans ce gigantesque rendez-vous du Midem, où tout le monde court dans toutes les directions et consent à peine à s'arrêter cinq minutes pour écouter une nouvelle voix, tout le monde est resté jusqu'à la fin de la présentation (une heure) et s'est levé à la fin comme un seul homme pour ovationner les deux auteurs et les sept chanteurs.
Au passage, ils avaient ovationné Bruno Pelletier pour LeTemps des cathédrales , l'Israélienne Noa dans Vivre, et pratiquement cassé les fauteuils pour un très beau trio composé de Daniel Lavoie, de la grande révélation Garou (quijoue Quasimodo), et d'un jeune Corse inconnu, Patrick Fiori. Le titre de la chanson : Belle . C'était également la première mélodie (sans paroles ou presque) que Cocciante avait fait écouter il y a cinq ans à Plamondon.
Un mot : belle ; un nom : Esmeralda
Cette musique lui avait trotté longtemps dans la tête, et il acommencé par trouver le mot-clé de la chanson : Belle .Après quoi, explique-t-il, "je me suis demandé qui seraitle personnage décrit par la chanson ; je me suis dit que ce ne pouvait être qu'Esmeralda, et c'est ainsi que je suis arrivé à Notre-Dame-de-Paris .
On ne sait pas si l'histoire est vraie, mais en tout cas la musique de Belle , merveilleusement servie par trois voix superbes, profonde et puissante chez Lavoie, éraillée et voisine de celle de Tom Waits chez Garou, ténor plus classiquemais riche avec Fiori, a littéralement transporté la salle.
Du coup, les paris étaient ouverts : outre Belle , que tous les pros voyaient tout de suite en tête des divers"top-50", y aurait-il un autre grand "tube"avec Vivre , ou encore un de plus avec Le Temps des cathédrales? En tout cas la démonstration-spectacle de Notre-Dame-de-Paris avait tourné à la démonstration de force, chacun estimant qu'il y avait là matière à rééditer un très grand succès - international sans doute - au rayon du spectacle musical.
"Un très haut niveau moyen pour une comédie musicale, plus trois ou quatre moments exceptionnels", estimait l'impresario Georges Mary, qui avait fait la carrière de Roch Voisine en France.
Le producteur du CD et du spectacle (prévu pour trois ou quatre mois à partir de septembre au Palais des congrès à Paris),Charles Talar (un vieux pro qui représente entre autres FrancisCabrel, numéro un pour les ventes de disques en France), étaitde son côté "aux anges" après avoir constaté la réaction du difficile public du Midem hier soir. Et comme il s'agit d'une production qui se chiffre par millions de dollars, son bonheur ressemblait aussi à du soulagement.
La stratégie de lancement
Le "showcase", comme on dit au Midem, avait été très proprement réalisé. Une bande-son de qualité, bien entendu, la présence sobre et bien pensée des sept chanteurs au complet, vêtus de costumes de scène stylisés, quelques éclairages, et rien de plus : en fait les interprètes n'avaient encore jamais chanté leur rôle sur scène.
En France, on a misé sur Vivre , puisque Noa est la seule interprète à y avoir déjà un certain public. Comme pour Starmania à l'époque, la stratégie de lancement consiste à créer un vaste mouvement autour de l'album de longs mois avant que le spectacle ne prenne l'affiche (à raison de 3000 places par soir, on attend entre 250 000 et 400 000 personnes à partir du début septembre à Paris).
"Le succès de Starmania a été tellement gigantesque, nous disait Luc Plamondon à la sortie du spectacle, que tous les autres succès paraissent insignifiants en comparaison. Je ne sais pas - et cela m'étonnerait - si je referai un spectacle de cette dimension, même avec un sujet aussi universel, aussi riche, et aussi moderne que Notre-Dame-de-Paris..."
Les professionnels, de leur côté,
ne hasardaient pas de prédictions de ce genre. Mais, avec trois
ou quatre morceaux "forts", des voix et un casting exceptionnels, ils estimaient
unanimement que ce nouveau "musical" avait des qualités qui le rapprochaient
davantage des très grands succès des dernières décennies
Evita
ou Cats - que de l'autre "opéra-rock" de Berger-Plamondon,
La
Légende de Jimmy , qui avait honnêtement marché
(en spectacle et sur disque) sans cependant laisser de véritable
trace dans l'histoire musicale récente. Avec Notre-Dame-de-Paris,
les ingrédients sont là pour une carrière de très
haut niveau. Et sur divers continents. Mais il y a dans tout cela une part
d'impondérable. Depuis hier soir, les dés roulent pour Plamondon.
Dans le bon sens.
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