CHAPITRE 1

 

Les origines de Nominingue

Les premiers arrivants

 

Une première mission à Nominingue (1879)

 

 

Vers 1879, le Curé Labelle qui venait visiter les missions ou colonies déjà établies vint demander à mon grand-père maternel Dosithée Boileau, installé à l'Annonciation depuis quelques années, de bien vouloir l'accompagner pour trouver un  site approprié  pour construire une mission à Nominingue. Mon grand-père maternel Boileau accepte d'emblée et les voilà partis en canot d'écorce pour traverser le Grand Lac Nominingue. Les deux hommes n'étaient pas de poids égal; le Curé pesait 333 livres et mon grand-père était grand et maigre. Inutile de dire que mon grand-père avironnait prudemment même si le lac était calme. Ils débarquèrent à peu près à l'endroit où se trouve le « Manoir » actuellement. Étrange coïncidence, trois ans plus tard, grand-père Lalande se choisissait deux à trois lots pour construire sa maison et cultiver la terre à cet endroit précis.

 

Mais, revenons à nos deux voyageurs qui, peu après leur débarquement, traversent la forêt pour se rendent sur la colline de « l'Institut Familial ». Avec son œil averti, le Curé Labelle s'arrêta et dit  : « C'est ici  que vous allez abattre le  premier arbre » À sa place, on planta une croix de bois. Aujourd'hui c'est une belle croix de granit qui rappelle cet événement historique. Puis le curé Labelle demande à mon grand-père Boileau de défricher quelques arpents de terrain. Ce qu'il fit avec les plus vieux de ses garçons. "Le panorama sera magnifique lorsque les arbres seront coupés ! Le promontoire qui existe entre le lac St-Joseph et le grand Nominingue représente un site unique! ». Plus tard je relaterai la "prédilection" qu'avait le Curé Labelle pour Nominingue avec ses nombreux cours d'eau, lacs à profusion etc. avantages marquants qu'il fit valoir auprès des adeptes qui consentaient à venir coloniser le Nord avec lui. C'était vraiment une aventure qu'il fallait tenter!

 

 

Des communautés religieuses s’installent  à Nominingue (1879)

 

Durant la même année 1879, le Curé labelle réussit à intéresser les Jésuites à venir s'installer à Nominingue pour desservir les missions environnantes. Le premier prêtre qui vint fut le Père Marcel Martineau, prêtre colonisateur qui, avec ses compagnons, construisirent la première habitation des R.P Jésuites en 1882-1983.  Saint-Ignace de Nominingue devint le nom de notre paroisse pendant plusieurs années. Même si aujourd’hui elle se nomme simplement Nominingue, son patron demeure toujours Saint-Ignace de Loyola.  Sa statue occupe une belle place sur l’autel de notre église de style gothique. Nous ne pouvons donc jamais oublier que ce furent les Jésuites qui présidèrent aux premières destinées de notre paroisse.

 

En 1887, le 30 septembre, les deux premières religieuses (Ste-Croix) arrivent à Nominingue, conduites par le baron d’Halewyn. Une autre religieuse se joignit aux deux premières au début des années 1890. Enfin, quelle joie, les enfants vont pouvoir s'instruire! Les Jésuites sont très actifs, ils vont même jusqu’à enseigner le chant aux garçons.

 

En 1891, hélas, les Jésuites quittent, le village si chèrement desservi par eux. Je ne sais pour quel motif. Les Chanoines Réguliers de l'Immaculée Conception les remplacent pendant plusieurs années (1891-1915) et ils furent très dévoués et travaillent à la prospérité de notre paroisse avec la grande collaboration des paroissiens pionniers.

 

L’arrivée des premières familles (1883)

 

De grandes inquiétudes surgissaient parmi les familles qui songeaient à venir coloniser Nominingue. Mon grand-père Anthime fut de ceux-là et ma grand-mère approuva finalement son projet puisque le Curé Labelle lui avait fait la promesse qu'elle pourrait faire instruire ses enfants convenablement. Sa plus grande crainte était que ses enfants aient de la difficulté à se faire instruire, loin des grands centres. La réalité lui donna malheureusement raison puisque mes grands-parents furent plus instruits que leurs enfants.

 

Quatre familles s'installèrent en 1883, dont les parents du Père Martineau au printemps et mon grand-père à l'automne. Il choisit de s'établir au bord du Grand lac Nominingue, sur deux ou trois lots.  Puis il construisit un camp de bois rond pour se loger; le temps de construire la grande maison qui accueillerait la famille en mars 1885. C’est donc en ce début de printemps que grand-père Anthime Lalande entreprit par des chemins très dangereux le long voyage du déménagement, 90 milles (146 kilomètres) en voiture.

 

Laissons-lui la parole: « En maints endroits » dit-il... « je devais pour surmonter les obstacles, vider la voiture. J'étendais alors une peau de bœuf sur la neige. J'y installais les petits enfants — le plus jeune avait alors sept mois (c'était mon oncle Ernest). Je traversais la voiture, puis nous rembarquions, sûrs d'avoir à renouveler cette corvée un peu plus loin. La « prévoyante mère » avait pourvu aux besoins des enfants: galettes et bouteilles de lait remplissaient les tiroirs d'un bureau placé à portée de la main dans la voiture. Mais quel courage il nous fallut pour arriver à destination ! »

 

Anthime Lalande était de cette trempe d'homme, grand et fort, hardi et courageux, que la vie dure et les privations n'effrayaient pas pour lui-même, mais qui n'endurait pas que sa femme ou ses enfants manquent de quoi que ce soit. Tout en étant défricheur et cultivateur, il n'en demeura pas moins marchand. Il avait tellement d'expérience dans le commerce. Puis, il fallait approvisionner la population du village naissant qui augmentait de jour en jour.

 

Puis le temps filait. Quelques notables montréalais et français viennent s'installer à Nominingue, dont le baron d'Halewyn en 1886.

 

La première église (1892)

 

En 1891, les Chanoines Réguliers décident la construction d'une église. En 1892, c'était l'inauguration de la première véritable église que nous avons utilisée jusqu'en 1933. Avant 1892, nous devions nous satisfaire d’une chapelle de déserte construite en bois rond, dès le début des années 1880. Non chauffée, l'eau bénite gelait dans les bénitiers en hiver.

 

En 1885, la première cloche donnée par les marguilliers de  St-Eustache , fut installée temporairement entre deux souches, avant d’être installée plus tard dans le modeste clocher de la première église. Grand-père eut l'insigne honneur de la faire vibrer pour la première fois. Comme l'émotion devait être grande parmi les assistants ! Il y eut sans doute la première grand’messe célébrée à cette occasion. Selon un récit de l'oncle Émile, grand-père, aussi  flûtiste à ses heures, aurait accompagné un chantre ou un autre instrument.  L’histoire de la première cloche est un événement historique important qu’il ne faut pas manquer de souligner.

 

Le 22 janvier 1888, les sons de l'harmonium résonnent pour la première fois dans la modeste chapelle. L'auditoire manifeste une émotion visible, (instrument donné par le baron d'Halewyn et quelques amis). M. Louis Beaubien, père de Joseph, touche l'harmonium pour la circonstance.

 

Vers 1900, la fabrique de St-Ignace fait l'acquisition d'une cloche nouvelle pour remplacer celle de St-Eustache qui, au beffroi de la nouvelle église, avait peine à remplir sa fonction. Ce fut l'occasion d'une belle fête encore qui vient ensoleiller le ciel de Nominingue. Mgr Duhamel voulut bien présider le cérémonial de la bénédiction de la Cloche paroissiale. Pendant la cérémonie la quête est faite par monsieur et madame Anthime Lalande (maire) aussi Thomas Potvin accompagné de Mlle Bernadette Martineau. Le premier ministre de la province, l'Honorable Joseph Marchand, accepta d'être le premier parrain du « baptême » de cette cloche. Son épouse étant décédée, l'honneur d'être la première marraine revint à Mme D. Miller, une résidente de Nominingue. Plusieurs autres notables sont parrains et marraines:

 

L'Honorable Louis Beaubien et sa fille, Mme Turenne;

M. Adolphe Christin, Agent des Terres et Mme Christin;

M. le maire Anthime Lalande et Mme Lalande;

M. le baron d'Halewyn et Mme la baronne;

M. le juge Camille de Martigny de St-Jérome et son épouse ;

M. le docteur Begonesse de Labelle et son épouse.

 

Enfin le « ptit train » du Nord du Curé Labelle arrive dans les Pays d’en haut (1891)
 

Hélas, le 4 janvier 1891, le bon Curé Labelle mourut à l'âge de 57 ans. Ce fut la consternation chez tous les colons du Nord ; mais son oeuvre devait continuer. En 1893, le chemin de fer tant désiré par le Curé Labelle faisait son apparition à Labelle. Les chemins étaient en meilleur état pour aller quérir les provisions pour le magasin. Et la distance n'était que de 25 milles.

 

En 1904, plus de dix ans après Labelle, c’était au tour de notre paroisse d’accueillir le chemin de fer du Pacifique Canadien. Enfin le rêve du Curé Labelle devenait réalité chez nous après tant d'années d'attente et de sacrifices. Le Nord montait vers la prospérité et Nominingue en particulier comptait une classe de professionnels d'élite.

 

Des visiteurs de marque à Nominingue et plusieurs événements importants à souligner (1898 – 1899)
 

 Plusieurs personnages de marque vinrent visiter Nominingue dans les années 1898-1899. Entre autre, le lieutenant-gouverneur, Sir Amable Louis Jetté et sa famille et grand-père, étant le maire, avait l'obligation et le plaisir de présenter la population à ces illustres visiteurs. C'était des événements d'importance, qui faisaient la distraction et la joie des citoyens de la paroisse. Quelle bonne entente et esprit de charité régnaient dans tous les cœurs ! Quel bénévolat animait chaque individu toujours prêt à rendre service ! L’entraide faisait la force de la communauté. Quel changement s'est opéré depuis! Je raconte autant l'histoire de la paroisse que celle de ma famille. Les deux sont fortement liées.

 

À ses débuts, Nominingue eut le privilège et l'honneur d'être habité par des personnages aussi distingués que l'Honorable Louis Beaubien et sa famille nombreuse, le baron et la baronne Joseph d'Halewyn qui se visitaient régulièrement; le consul de Russie à Montréal, monsieur et madame de Struve. Ils se louaient une maison ou chalet au Lac Bourget pendant quelques étés. Une mentalité de choix fut transmise à la population en cette période de prospérité et de progrès que connut notre paroisse.

 

Quelques autres événements  importants eurent également lieu  dans les années suivantes:

1903  - Organisation d'une fanfare à Nominingue (oncle Alfred en faisait partie)

1904  -  Fondation du Journal « Le Pionnier » et arrivée du "ptit" train du Nord

1905  - Selon toute probabilité, l'Hôtel de ville aurait été construit vers 1904 ou 1905, toujours sous le règne de grand-père.

1907 - Visite du premier ministre de la province. Sir Lomer Gouin. Pour cette circonstance, grand-père Anthime, toujours maire, se rendit à la gare avec son carrosse de gala et de beaux chevaux y accueillir l'illustre visiteur. Il était accompagné de ses échevins. Plusieurs événements importants marquèrent le début de Nominingue. Alors, pour rompre la monotonie, on profitait de ces occasions pour décorer le village et fêter. L'hospitalité était chaleureuse.

 

 

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