CHAPITRE 7

 

LA VIE APRÈS LA MORT DE CHARLES-AUGUSTE

(1949 – 1976)

 

 

Reprendre courage, surmonter sa peine et faire face à la réalité

 

Suite à la mort de Charles-Auguste, les gens venaient de toutes parts nous harceler pour acheter nos biens, nos animaux, chevaux, etc. Il fallait parfois réagir avec courage pour refuser. Nous n’étions pas en mesure de prendre des décisions si peu de temps après la mort de mon frère. Le carême fut long et l’hiver s’est prolongé assez tard cette année-là. Nous n’avions pas suffisamment de foin pour nourrir nos huit vaches laitières. Il a fallu en sacrifier cinq. C’était triste de les voir marcher dans la neige pour se rendre au camion du commerçant ! Le deuil était partout sur la ferme !

 

Que dire de notre pauvre chien au regard si triste. Il augmentait notre chagrin. Lorsque mon frère fut exposé dans la chambre, notre chien, L’ami était son nom, ne l’a pas quitté durant les trois jours. Il se couchait discrètement sur un tapis au seuil de la porte. Après l’enterrement, il sentait que son maître avait disparu. Il vint se coucher au pied de notre lit, laissant échapper quelques gémissements. Tous les matins, lorsqu’il entrait dans la maison, il montait à l’étage supérieur visiter la chambre de mon frère. Il redescendait tout triste. Pendant un mois, il refit ce geste matinal. Lorsque nous nous absentions pour le village, il venait nous rejoindre où que nous soyons ! Il ne pouvait rester seul à la maison.

 

Le lundi suivant, il fallut que je reprenne mes classes en refoulant mon chagrin. En activant mon ardeur au travail, j’oubliais momentanément. L’enseignement me prenait tout entière durant les heures de travail ! Mais dès que je prenais le chemin du retour, une douleur insurmontable s’emparait de tout mon être. À mesure que j’approchais de la maison, une angoisse indescriptible m’étreignait jusqu’à la moelle des os. Il ne fallait pas qu’Élisabeth devine ma défaillance, elle qui passait la journée toute seule. Combien ce fut douloureux pour elle, l’ennui devenait son lot journalier. À la fin d’avril, le printemps apparut avec son cortège d’épanouissements. L’éveil de la nature, comme c’est grand et sublime ! La vie jaillit de partout ! Mais pour nous c’était la tristesse qui foisonnait ici et là. Un travail inachevé de l’automne précédent,.. un instrument aratoire qui attendait... un outil oublié...

 

Tout nous parlait de notre « disparu » un de notre génération qui aurait pu nous accompagner tout au long de notre vie ! Je laisse au lecteur la liberté ou le soin de deviner entre les lignes les sentiments qui nous animaient, ma sœur et moi, dans cette situation indescriptible de tristesse que nous vivions ! Mais le quotidien reprenait son droit. L’implacable temps fuyait au même rythme quoiqu’il nous paraissait plus long.

 

Denis Dussault nous assistait dans les travaux mais pas tous les jours. Lorsque le temps des semailles arriva, c’est Borromée qui prit la relève, les chevaux étaient habitués à lui. Il fit nos travaux agricoles et les siens en même temps et ce, pendant plusieurs années consécutives avec l’aide de ses garçons. Lorsqu’une urgence se présentait, il était toujours prêt à nous dépanner ! Nous ne sommes pas demeurées seules à la maison. Le jeune frère de Denis, Jean Dussault qui fréquentait l’école, faisait le train avant sa classe le matin et à son retour le soir après l’école. Comme il s’ennuyait un peu, il nous demanda si nous accepterions notre neveu Georges avec lui. Ils fréquentaient le même collège tous les deux. C’est avec joie que nous avons accepté. Avec deux adolescents, c’était vraiment intéressant et même le vendredi soir, Claude venait les rejoindre. C’était désennuyant de les voir agir. Ça mettait du soleil et de la gaieté dans notre vie ! L’année scolaire se termina de cette manière. Au début des vacances, ce fut Claude qui vint nous assister.

 

Aux derniers jours de juin, à ma suggestion, Élisabeth retourna à sa profession de cuisinière à la pension de monsieur Léon Fortier. Je la sentais tellement tendue et déprimée à cause de ses trois premiers mois de deuil que je l’encourageai à changer d’air pour oublier un peu. Fortunat et Florida sont venus vivre un mois de vacances chez nous avec Yvon qui avait à peu près quatre ans. Sans Pierre toutefois qui passait ses vacances dans une colonie. Florida alla prêter son concours à la pension d’Élisabeth, une quinzaine de jours je crois, pendant que Fortunat pratiquait son métier de menuisier dans diverses petites réparations. Il mit de l’ordre dans certains endroits que Charles-Auguste avait dû négliger pour se consacrer aux réparations et revêtement de la maison ! Ça nous donnait l’occasion de parler de notre frère disparu. Lui aussi avait un chagrin immense. De venir vivre dans la maison paternelle lui remonta le moral. La maison n’était pas vide. Claude s’occupait des animaux avec moi. J’y allais surtout pour la traite des vaches. Il n’avait que 11 ans, 12 ans à la fin de juillet. Il était très actif, il aida beaucoup son père à la période des foins avec ses deux frères Jacques et André.

 

Borromée faisait les foins avec nos chevaux cette année-là et ça marchait rondement. Pour la rentrée des foins, Fortunat apporta son concours quelquefois. Il faut être en  équipe  pour le temps des foins. C’est si agréable en groupe. Les voyages de foin se déchargeaient à la grande fourche tirée par un cheval. Il fallait un homme sur le voyage pour « piquer » le foin et deux sur la tasserie pour recevoir et étendre cette « grosse fourchetée » de foin qui leur arrivait « subito presto, comme une avalanche » au déclenchement du levier de la grande fourche. C’était un travail intéressant mais aussi très réchauffant ! À la maison, il fallait préparer des rafraîchissements pour abreuver tous les jeunes travailleurs et les moins jeunes, avec une bonne collation dans l’après-midi entre les chargements de voyages. Quand les femmes se manifestent avec de bonnes « gâteries » substantielles, quel encouragement pour les hommes ! Et l’ouvrage se fait plus allègrement.

 

Après le départ de Fortunat, tante Béatrice Lalande qui demeurait chez ma cousine Fernande vint habiter quelques mois avec nous. À cause de sa culture et son éducation raffinée, nous avons apprécié son séjour avec nous. Élisabeth revint de sa « pension » à la fin du mois d’août. Cette absence de la maison lui avait apporté un peu de calme et de sérénité. Après un court repos, elle reprit la besogne avec plus d’ardeur ! Une nouvelle année scolaire commençait pour moi en septembre 1949.

 

 
J’apprends à conduire l’automobile
 

Dès le début du printemps, soit en avril ou mai 1949, j’avais appris à conduire l’automobile de Charles-Auguste sur le conseil de M. le Curé Perreault qui m’avait dit : « Ne vendez pas votre auto et apprenez à conduire au plus tôt, vous vous sentirez plus autonome ». Le fils de M. Lafleur, notre voisin, Jean-Charles de son prénom, homme consciencieux et sérieux, me donna quelques leçons. Je me débrouillais assez bien. « Conduisez tous les jours », me dit-il, « afin que les leçons vous profitent mieux ». Je lui ai obéi, je mettais tellement d’énergie à l’apprentissage, que je maigrissais d’une livre par jour ! Ceci pendant une dizaine de jours ! Une Plymouth 38 ce n’était pas automatique, il fallait employer la pédale d’embrayage pour chaque changement de vitesse. C’était compliqué. Je réussis assez vite à connaître les diverses opérations que requiert l’automobile par son conducteur. C’était primordial que je sache conduire  « la voiture » pour nous procurer les besoins alimentaires et autres pour la maison et les choses nécessaires à l’exploitation de la ferme ! J’ai pu rendre visite à Élisabeth qui passa l’été à Bellerive. J’aimais beaucoup être accompagnée de mes neveux pour faire les commissions ou aller en promenade. Le plus âgé de mes neveux, Jacques, avait de bons réflexes, il m’observait beaucoup. Ses réflexes m’ont été très utiles au moins une fois. Voici en quelle occasion.

 

Un soir, je m’étais rendue chez mon frère. De là, j’avais une course à faire. Je dis aux jeunes : « Venez avec moi » ! Deux s’assoient en arrière et Jacques en avant près de moi ! Je démarre la voiture pour tourner dans la rue ; il y avait un camion stationné à droite, il fallait l’éviter. Je pèse sur l’accélérateur qui reste accroché. Nous avons « tourné » vite et là je ne savais trop quoi faire pour arrêter. Alors Jacques me dit d’une voix forte : « Stop » ! J’appliquai les freins, aussitôt l’auto s’immobilise, étouffée. Ouf ! Il m’avait fait éviter un accident. Il était âgé entre 14 et 15 ans. Personne n’avait dit un mot. Nous avons bien ri après !

 

 
Borromée et sa famille nous sont d’un grand secours dans les années qui suivirent le décès de Charles-Auguste
 

Durant mon absence, ma sœur demeurait à la maison avec André. Il avait tellement plu cet hiver-là que les chemins étaient très glacés. Au point que les chevaux ne pouvaient se tenir debout. Ils risquaient de tomber à chaque pas. Alors impossible de faire les commissions en voiture. Ma sœur manquait de moulée et de grains pour les poules, elle était bien découragée ! En garçon débrouillard, André lui dit : « Ne vous inquiétez pas nous allons trouver un moyen pour nous approvisionner, ma tante » ! « L’Ami », notre chien avait déjà été attelé. Depuis quelques années, il ne l’était plus. « Il va s’en souvenir » dit André. Avec beaucoup de patience, il l’attela au traîneau et marcha à côté de lui, il embarqua dans le traîneau ensuite et « l’Ami commença à courir. Ses griffes tenaient sur la glace. Ça pouvait réussir. André commença par de petites boîtes de provisions pour l’habituer, puis il réussit à lui faire transporter une poche de moulée de cent Iivres. La partie était gagnée. Pendant un mois, André employa ce moyen de transport, ils n’ont manqué de rien ! Ça été une très belle aventure utile. L’année scolaire s’acheva sans autre incident remarquable.

 

Pour le temps des vacances, André laissa sa place à ses autres frères ! Pour le temps des foins, presque toute la famille accompagnait leur père. Une année, la température avait été si favorable que onze jours avaient suffi pour toute la fenaison ! Ce fut un vrai record ! En septembre de cette même année, je n’ai pas renouvelé mon contrat avec la Commission scolaire, j’avais besoin de repos pour me remettre en santé ! Je crois que c’est un jeune Vachet ou Charette qui vint nous aider cette année-là ! Durant les vacances, c’était un de nos neveux et pendant la période scolaire, nous gardions un étudiant qui fréquentait l’école et visitait ses parents quelques fins de semaine. Nous nous sentions bien si nous étions trois »

 

Ce n’était pas fini, le temps de s’amuser ! Pierre et Yvon avec leur mère Florida passaient toute la semaine chez nous et c’est bien « ici » qu’avait lieu la rencontre des « cousins » qui s’entendaient à merveille. Pierre avec les quatre plus vieux et Yvon avec Denis. Quelle semaine d’exubérance qui se prolongeait parfois jusque dans les chambres.  C’était bien normal pour les jeunes qui ne demandaient qu’à parler, rire et s’amuser. 

 

Puis arrivait le Jour de l’An, fête des Québécois par excellence. Nous avons conservé la coutume d’autrefois. La distribution ou l’échange des cadeaux se faisait au Jour de l’An. Nous avons gardé la tradition du souper du Jour de l’An jusqu’en 1966, je crois. Élisabeth préparait soigneusement, avec mon aide bien entendu, ce repas copieux que tous dégustaient agréablement. Les mets appétissants disposés sur la grande table de famille s’éclipsaient rapidement à notre grande satisfaction.

 

Après le repas, les amusements débutaient avec l’initiative des jeunes. À l’âge de l’adolescence, ils nous présentaient des séances improvisées. Jacques et Pierre étaient les premiers instigateurs et les autres collaboraient. On se déguisait. Les garde-robes étaient visités pour les « costumes ». On ne saurait imaginer ce qu’ils pouvaient nous sortir ! Nous avions des « rideaux-draperies » qui convenaient à leurs représentations. C’était vraiment comique, chacun y allait de son numéro. Nous les adultes, nous éprouvions un vif plaisir à les applaudir.

 

Les jeunes, rendus à l’âge adulte, les séances firent place aux chansons et à la musique, mélodies romantiques, chants folkloriques à répondre . . . toute la gamme y passait. Mes frères, mes belles-sœurs faisaient leur part et nous aussi. L’harmonium résonnait avec force, il y en avait plusieurs qui jouaient par « oreille ». C’est dommage que nous n’ayons pas d’enregistrement de ces belles réjouissances qui nous furent si salutaires. Cette chorale de mes neveux fut aussi importante que celle de mes oncles à l’époque. Mais la vie a ses exigences  et cet état de choses ne dura pas indéfiniment.

 

Enfin, l’électricité arrive sur la ferme (1954)
 

Après plusieurs démarches par le Conseil Municipal, enfin la Coopérative d’électricité des Laurentides fit le défrichement pour installer la ligne électrique.  Pour nous les membres, c’était l’installation dans les maisons et bâtiments par des électriciens compétents. À l’automne 1954, au mois d’octobre, le courant nous est parvenu. Quelle joie fut la nôtre ! La lumière électrique dans nos vieilles maisons. Importance capitale pour avoir le confort que les villageois possédaient depuis plus de vingt ans. Quel changement dans nos vies !

 

Grandes améliorations et transformations à l’intérieur de notre maison. Menuisier attitré, Monsieur Joseph Loiselle ! Combien de travaux de menuiserie a-t-il exécutés chez nous pendant des années. Toujours prêt et dévoué à accomplir des gros et menus travaux ! Divisions de chambres au premier étage. Ensuite armoires modernes dans la cuisine, et installation d’une salle de bain. Un certain nombre de jours, nous avons dû interrompre les travaux parce que j’ai fait une infection pulmonaire. C’était au début de mars. La température inclémente, le chauffage adéquat manquait de stabilité. Nous chauffions au bois, c’était surtout l’accès au grenier, parfois à l’extérieur qui a provoqué cette infection. Un mois de sursis pour les travailleurs, moi ce fut beaucoup plus long avant de revenir en forme.

 

Noces d’argent de Borromée et de Jeanne en 1958,
 

La vie s’écoulait normalement. Les travaux de la ferme s’effectuaient d’une manière un peu plus moderne. L’évolution traçait son chemin. Borromée avait moins de temps à nous consacrer. Il exerçait le métier de garde-feu dans la région, la mairie exigeait plus de son temps. Il s’était acheté un gros camion et avec ses garçons, il rentrait le foin avec ce camion ! Cela faisait du nouveau. On se servait du cheval pour tirer la grande fourche. L’année suivante je louai un tracteur que je conduisais moi-même, j’ai acheté ce tracteur ainsi qu’une voiture à pneus pour le transport du foin et autres travaux . . .

 

L’événement le plus important en 1958 fut les « 25 ans » de mariage de Borromée et de Jeanne le 30 septembre. Nous avons célébré cette fête dans l’intimité des deux familles réunies. Leur grand salon était très accueillant avec la belle table garnie et décorée du « gâteau des jubilaires », de biscuits fantaisistes, de bonbons délicieux faits à la maison, etc. Jacques et Claude en avaient été les organisateurs à qui nous avions offert toute notre collaboration. Élisabeth et moi nous avions tout préparé le « menu » chez nous, viandes, hors-d’œuvre, desserts multiples. Les parents ne se doutèrent de rien jusqu’à la journée même. Les enfants les envoyèrent promener dans l’avant-midi en leur ordonnant de ne revenir que pour l’heure du souper. Leur tante Doralis était avec les jeunes pour dresser la table, et nous, nous avons transporté en auto tout ce que nous avions préparé durant les jours précédents. Ce fut une belle fête réussie. La veillée, dont les enfants firent les frais, fut merveilleusement intéressante. Les parents de ma belle-sœur furent enchantés du talent remarquable que possédaient leurs neveux et nièce. « Très doués pour le chant et la musique » dirent-ils ! Très beau discours de remerciements prononcé par mon frère.

 

...puis de Fortunat et de Florida en 1960

Le 26e jour d’octobre, c’était au tour de Fortunat et Florida de fêter leur 25e anniversaire de mariage. Ils habitaient Montréal. Pierre organisa la fête « des noces d’argent » avec son oncle Raymond Demers. Ce fut chez lui que la veillée et réveillon eurent lieu. La famille est grande chez les Demers. Ma sœur et moi sommes descendues à Montréal avec la famille de Borromée. Nous étions deux voitures remplies. Nous avons vécu une soirée « inoubliable ». Pierre a fait un maître de cérémonie parfait. Il invita les personnes plutôt âgées à faire leur numéro de chansons à répondre, ou autres, à danser, etc. Quand il invita ses cousins qui étaient tous « célibataires » encore, ceux-ci ne se firent pas prier, ils étaient en parfaite « forme » pour chanter. André les accompagnait à la guitare, c’était complet. Leur répertoire était varié et à deux ou trois voix, ça faisait un « chœur » imposant par la force. Les applaudissements n’arrêtaient pas. Quand ils entonnèrent « Le carnaval de Venise » de Luigi Bordèse, à deux voix, ils se surpassèrent Ce chant est tellement expressif et nuancé, très fort parfois et ensuite d’une extrême douceur. Ça nous fait vibrer jusqu’au fond de l’âme. C’est inexprimable. Il me semble de les entendre encore. Sans doute qu’ils ne pourraient en faire autant aujourd’hui. Qui sait ? Après un somptueux réveillon et tous bien heureux, nous avons repris le chemin du retour. Quel plaisir de se rappeler d’aussi beaux souvenirs !

 

Mariages de nos neveux entre 1961 et 197 ?
 

Le 4 juillet 1961, Jacques convola en justes noces avec Lorraine Contant qu’il avait rencontrée à St-Jovite où tous les deux enseignaient. Ce fut le premier mariage de la 4e génération.

 

196 ? –  André

 

1962 – Le 3 septembre à St-Eustache, mariage de Claude, troisième fils de Borromée, avec Raymonde Montpetit de St-Eustache. Le mariage fut célébré par le curé-évêque de l’ endroit, monseigneur....dans l’église historique où, en décembre 1837, fut tué le Dr Chénier, chef des Patriotes de l’endroit. Il s’y était réfugié, avec plusieurs de ses compagnons juste avant de mourir. Ses compagnons connurent le même sort que lui ou furent faits prisonniers.

 


Manoir Globensky

Après les noces, il y eut tournée de la vieille partie de la ville où se trouve un moulin à farine ancestral qui fonctionne encore, et le manoir Globensky. C’est dans cette maison immense que vécue Henriette Wilson, (épouse d’Anthime Lalande), dans sa jeunesse, après la mort prématurée de son père. Le manoir servit d’Hôtel de ville à la municipalité de St-Eustache pendant plusieurs années. Aujourd’hui il est devenu un musée à la mémoire de ses fondateurs et des anciennes familles de St-Eustache.

 

196 ? – Georges

 

196 ?–Marcel

 

1978 – Denis

 

 

La vie en général, la ferme et la corvée des foins en particulier (1961-1970)
 

Comment s'est comportée l'exploitation de notre ferme durant ces dix années où je n'étais pas tellement présente? Ma sœur n'a pas cessé de voir au bon fonctionnement de « tout » avec le jeune homme qui l'aidait. Chacun faisait sa grande part en divisant les tâches. Je n'étais pas exclue des miennes. S'il arrivait une urgence, je voyais à l'exécution du remède à apporter. J'étais chez nous tous les soirs. Ma tâche consistait surtout à m'occuper « des affaires » extérieures, comme le paiement des taxes, achats importants. Nous prenions nos décisions. Il a fallu diminuer certains travaux durant le temps des semences. C'était beaucoup plus facile d'avoir des employés avec leurs machineries, à cette époque. Nous faisions étendre l'engrais sur les prairies, ce qui augmentait la production du foin. Là était toujours la « grande question »: les foins. De moins en moins, Borromée ne pouvait exécuter nos travaux. Ses fonctions de Garde-feu ne lui permettaient plus de s'absenter autant. Nous n'avons pas cessé d'avoir de l'aide. J'ai oublié de mentionner précédemment qu'après la perte de nos chevaux, monsieur Adélard Grégoire était venu faucher une partie de nos foins, c'est Georges qui était avec nous cet été-là. Alors M. Grégoire lui apporta une petite "faux" rouge pour couper les "queues", autour des roches, en somme  aux endroits où la faucheuse ne pouvait contourner. Il apprit très facilement à manier la faux, en fit un apprentissage complet qui lui sert encore à l'occasion j'en suis certaine. Ses frères savent aussi manier la petite faux.

 


 Les foins : Borromée et ses enfants

 

Dans les années 60 et après, la mécanisation avait fait beaucoup de progrès. Les tracteurs avaient succédé aux chevaux. Pour le fauchage, le râtelage, la machine qu'est devenue la "presse à foin". Il n'est plus question d'engranger le foin "lâche"; ce sont les balles faites par la « presse » à foin. On peut réduire un peu le personnel humain, et effectuer les travaux en moins de temps

 

Le dernier de nos neveux qui passa les vacances complètes à la ferme fut Yvon accompagné de sa petite sœur Lucie. Sa mère, très malade, fut hospitalisée pendant deux mois. Fortunat et Pierre travaillaient à Montréal. Yvon était très habile avec les animaux, les vaches et les veaux surtout. Il trayait jusqu'à trois vaches, faisait boire les veaux, menait les vaches au pâturage avec beaucoup de discipline. Et lorsque ses cousins venaient aider aux foins, il partageait leur travail avec beaucoup d'adresse. Lucie aimait bien s'occuper des petits chats et soigner les poulets et poules avec nous. La ferme c'est comme une bibliothèque active. Les façons de faire s’y trouvent si nous savons les rechercher.

 

 


 

Récolte de l'avoine à la moissonneuse-batteuse

 

À l'automne, Yvon reprit ses classes à Montréal. Au début de l'année, son professeur demanda de faire une bonne rédaction ayant pour sujet: « Mon animal préféré ». Comme c'était tout frais à sa mémoire, il choisit: « Mon petit veau charmant ». Yvon en a fait une description si réelle, si appropriée avec des expressions originales qu'on lui connaît, qu'il remporta le pourcentage le plus élevé de la classe, avec superbe mention! Le professeur était rempli d'étonnement.

 

Je continue la liste de ceux qui consentaient à l'entreprise de nos foins avec leurs machines agricoles. Pour commencer, nous payions à « l'heure » le faucheur et le « presseur », prix fixe par balle de foin. Pour le transport des balles de foin dans la grange, c'était un personnel d'occasion que nous payions en surplus avec notre tracteur et voiture. M. Gaston Beaulieu fut le premier qui vint presser notre foin durant quelques années. Il y eut M. Roger Joly de l'Annonciation qui vint au moins quatre années. François Hébert avec son père est venu deux à trois ans et enfin nos jeunes voisins, Guy et Hélène Chartrand avec leur père, M. Marcel Chartrand, quatre ou cinq ans. Avec M. Joly et M. Chartrand, c'était l'entreprise complète. Nous n'avions pas à nous occuper de l'engrangement du foin. Tout était payé à la « balle de foin ».

Nous sommes en 1971. Au début des vacances, Germain St-Amour nous quitta définitivement pour aller suivre des cours d'études à Hull et aussi travailler. Depuis le printemps, Georges Vachet était revenu chez nous pour quelques mois. Je dois vous dire que Georges a séjourné trois fois à la maison. À l'âge de sept ans, puis à l'âge de quatorze ans, il avait vécu trois ans, puis en 1970 et quelques mois en 1971. Normand Legault, à qui j'avais fait la classe pendant deux ans et qui demeurait à Bellerive, devait changer de maison de pension. Alors ma sœur et moi avons décidé de le recevoir chez nous. Il aimait beaucoup les animaux domestiques. Il était âgé de 12 ans et très nerveux. Un repos de l’école pour un an s'imposait pour lui. Je lui faisais la classe deux heures par jour, c'était suffisant. Il aidait ma sœur à l'étable; il était travailleur et débrouillard, adroit dans les choses mécaniques. Il s'est beaucoup développé physiquement durant cette année sabbatique. Il était très attachant.
 
 
Acquisitions de chalets au lac des Grandes-Baies (1970)
 
 
En 1970, fin décembre, nous avons acheté de M. Albert Gazeau trois chalets sur le même emplacement au lac des Grandes baies. C'était le désir d'Élisabeth d'avoir un chalet près de l'eau. C'était beaucoup de surmenage pour nous. Les premières années, Fortunat nous aida énormément à nettoyer et mettre en valeur les abords des chalets et du lac. C'était un endroit magnifique pour le paysage, en pente abrupte pour accéder au lac. Il y avait une grève attrayante près du quai. Ce n'était pas avantageux pour les personnes âgées ou malades. De 1971 à 1977, les chalets étaient remplis presque toute la saison. Les étés que Fortunat et Florida en habitèrent un que l'on gardait pour la famille, des cousins habitaient les autres et recevaient de la visite nombreuse.
 

Mon neveu Pierre affectionnait particulièrement le lac avec ses baies nombreuses et solitaires (13 en tout). La baie « Cachée » (c'était son nom) était souvent son refuge. Il s'y rendait avec son moteur à chaloupe et jouissait du grand silence qui émanait de ce lieu entouré de beaux rochers et d'arbres géants. C'est vraiment « unique » en son genre. J'en parle avec connaissance de cause parce que Pierre nous y a amenées un jour Élisabeth et moi. « Venez connaître votre lac » nous a-t-il dit! C’est la seule fois que nous l'avons visité presque en entier.

 

 

 

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