CHAPITRE 9

 

 

 

LA VIE APRÈS LA MORT D’ÉLIZABETH

1976...

 

 

J’apprivoise ma solitude (1976 ...)

 

Je comblais ma solitude en faisant  une partie  de l’inventaire des choses que possédait cette demeure. J'en ai découvert des antiquités et j'ai compris que chaque objet dans cette maison avait son  « histoire » et conservait un souvenir précieux. Je suis alors devenue plus que jamais, « la gardienne du foyer ancestral ». J'apprivoisais ma solitude, j'essayais d'acquérir une philosophie aussi riche que possible.

 

... en m’occupant des chalets du lac des Grandes-Baies

 

Au mois de mai, mon neveu Pierre vint me rendre visite pour me faire part d'un projet et bien précis. Celui de louer un de mes chalets pour la saison estivale. « Tu es chanceux », lui dis-je, « le no. 2 est vacant. C'est le plus petit. Les deux autres sont loués depuis un certain temps ». « Ça ne fait rien », dit-il, « c'est suffisamment grand. Ce qu'il me faut, c'est la tranquillité, le bon air, le soleil. Je mangerai dans la véranda à la vue du lac. Si je peux avoir une chaloupe, je sillonnerai le lac en tous sens. Vous savez que je recherche "le pittoresque". Je viendrai avec un bon ami professeur à Laval des Rapides et un adolescent de la famille où je pensionne dans cette localité. Nous viendrons les fins de semaine en mai et juin; juillet nous le passerons en entier ». J'étais parfaitement d'accord avec lui et heureuse de lui accorder ce plaisir. Il souffrait d'ulcères à l'estomac et semblait nerveux. L'air de Nominingue qu'il aimait tant lui serait sans doute salutaire. Je l'espérais grandement. La vie était agréable avec les locataires des deux autres chalets. Messieurs Rivard et Desrosiers. Le voisin des chalets était un joueur d'accordéon affable et jovial. Des veillées très gaies et intéressantes s'improvisaient pour la plus grande satisfaction de tous les résidents.

 

La première semaine d'août, Pierre retourna à son travail. Trois semaines s'étaient à peine écoulées que son estomac recommençait à le faire souffrir. Il contacta son médecin qui l'obligea à abandonner son travail, à se reposer, à observer un régime sévère, à la suite de quoi il subirait probablement une intervention chirurgicale. La belle saison se prolongeait, il prit la décision de venir habiter le chalet une semaine ensuite d'aller chez ses parents au petit Lac Nominingue. Hélas! Ce projet ne devait pas se réaliser.

 

Un terrible accident de voiture cause la mort de mon neveu Pierre
 

Ce vendredi 26 août, une température splendide et chaude l'encouragea à se mettre en route plus tôt. Le trajet avec deux adolescents serait plus agréable et leur arrivée au beau soleil était prometteuse. Le voyage s'effectuait normalement, Pierre conduisait selon les règles routières. Il était environ  quatre heures de l'après-midi lorsqu'il traversa le village de Labelle. À quelque distance de là, il y a une côte avec courbe dangereuse. Une voiture venant en sens inverse accrocha celle de Pierre, qui fit deux tours sur elle-même, traversa la voie opposée, frappa un gros arbre et s'effondra dans un ravin. Terrible accident qui lui a coûté la vie, la clavicule cervicale s'étant brisée. Sa mort fut instantanée. Il est probable qu'il devint inconscient au début de l'accident. Fait inexplicable, les deux adolescents qui l'accompagnaient ne furent presque pas atteints. L'un avait une mâchoire brisée, l'autre un choc nerveux.

 

qui nous fait replonger au plus profond de nos douloureux souvenirs mortuaires

 

Nous avons appris la nouvelle seulement vers huit heures le soir. Il n'y a pas de mots pour décrire le drame douloureux vécu par ses parents lors de cet accident mortel. Une tragédie aussi imprévue anéantit, démolit les personnes concernées. Une « blessure » sans nom leur transperce le cœur. Essayer de mesurer la profondeur du mal est impossible. Ce départ prématuré causa un vif chagrin à toute notre famille. Seules la foi et l'espérance chrétiennes peuvent apporter un baume au cœur endolori. Pierre était un grand malade, malheureux en plus. Il pensait souvent à la mort et désirait qu'elle soit rapide. Quand j'ai appris l'accident, je me suis souvenue que l'an dernier, au décès de ma sœur, Pierre et moi, nous causions près de la tombe d'Élisabeth, il me dit tout à coup d'un ton grave:  « Ma tante, le premier ou le prochain qui va partir dans la famille, c'est moi ». Onze mois après, cette sombre déclaration se réalisait. Il était âgé de 40 ans 24 jours. Décès 26 août 1977.

 

 


Pierre Lalande

 

Mon frère Fortunat eut beaucoup de difficulté à accepter cette épreuve. Ce fut très difficile aussi pour Florida qui avait déjà fait des problèmes cardiaques. Monsieur le Curé Rémi Giroux qui a chanté le service funèbre de Pierre et celui d'Élisabeth l'année précédente nous disait: « Les desseins de Dieu sont insondables, la séparation cruelle, mais ce Dieu ne nous abandonne jamais, il est au coeur de nos vies ». Moi j'ajouterai les vers d'un poète inconnu qui sont un credo et un chant d'espérance: « Je dis que la tombe qui sur la mort se ferme Ouvre le firmament, Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme Est un commencement ».

 

Son frère Yvon, sa belle-sœur Danièle, l’épouse d’Yvon, et sa sœur Lucie, s'ils démontraient une attitude résignée, n'en étaient pas moins affectés. Ils s'oubliaient pour soutenir leurs parents. On ne pouvait qu’« admirer » leur courage, d'autant plus que Danièle, à peine quinze jours plus tard, donna naissance à une belle petite fille. Que de grandes émotions diverses à la fois! Pour le jeune Olivier, dont Pierre était le parrain, celui-ci était parti pour un long voyage. Pour les membres de cette famille endeuillée, la plus grande consolation fut l'assistance nombreuse aux funérailles. Quelle belle marque de sympathie de la part de tous les parents et amis!

 

 
Borromée m’aide à surmonter ma solitude
 

Je suis toujours très active car je sais que le travail est le meilleur dérivatif à l'ennui. Depuis deux ans, j'ai réussi à récupérer la sérénité et la vigilance. Il était normal que j'éprouve une grande fatigue accumulée après l'épreuve que je venais de subir. Je cultive mon jardin, je prends soin des fleurs du parterre. Je vois à l'entretien de mes propriétés, ce qui n'est pas banal et de tout repos. Lorsque je suis trop débordée, Borromée vient me prêter main forte. Je vais le chercher en automobile, il dîne avec moi, ce que j'apprécie beaucoup car sa présence me réconforte, je puis lui demander des conseils. C'est le foyer où il a vécu, il connaît toutes les habitudes de travail. Depuis quelques années, il ne venait pas, nous pouvions nous débrouiller avec les jeunes que nous gardions avec nous. Depuis le départ de Normand, il est venu régulièrement me disant très souvent: « Si tu as besoin de moi, viens me chercher ». Je crois que ça lui faisait du bien moralement autant qu'à moi. Il se sentait si utile. C’est ce dont j'ai le plus souffert après le départ d'Élisabeth. Je me sentais  inutile puisque je n'avais personne à qui prodiguer des soins, faire des petites faveurs, etc. J'ai été bien chanceuse de pouvoir compter sur ce frère en toute occasion. Je lui serai toujours reconnaissante pour les nombreux services qu'il m'a rendus. Depuis deux ans, ses capacités ont tellement diminué par la maladie qu'il a discontinué de venir. Je regrette son absence. Ça devait se produire un jour ou l'autre.

 

 

Le mariage de Denis et sa nouvelle demeure (1978)

 

Un événement très heureux marquait cette année 1978. Le mariage de Denis le 10 juin, mon neveu qui est aussi mon voisin. Pour relater le concours de circonstances qui amena Denis à venir habiter « l'ancienne terre » de son père, je dois remonter dans le temps. Lorsque Borromée quitta sa ferme en bonne exploitation en 1941 pour demeurer au village, il la vendit deux ans plus tard à M. Arsène Lafleur qui y demeura sept à huit ans. Celui-ci la vendit à Monsieur Roger Lamarche qui l'habita à son tour le même nombre d'années. M. Lamarche la vendit à Monsieur Henri Turcot qui y demeura à son tour sept années. En 1966, Monsieur Turcot décida de la vendre lui aussi. Revenu de Californie où il avait vécu 2 1/2 ans, Georges avait conçu le projet de reconquérir la ferme et la maison où il était né. Désir bien légitime. Cet achat fut conclu à la fin du mois d'août. Il en prit possession en octobre. Comme il travaillait à St-Jérôme, il ne venait que les fins de semaine pour s'organiser. Il était quand même encouragé. Le printemps suivant, il fit plusieurs travaux. Sa femme Jacqueline l'accompagnait et lui aidait.

 

À l'automne, je crois, il entreprit des études supérieures en droit . Il venait quand même certaines fins de semaine, mais quand il fut reçu avocat, c'était plus difficile. Il travailla quelques années au Palais de Justice de St-Jérome, ce qui lui laissait peu de temps pour voyager. Peu après, il obtint une promotion, celle de Directeur des Greffes à Québec. À ce moment-là, Denis qui travaillait dans l'électronique pour le gouvernement, voulait revenir à Nominingue et comme Georges ne pouvait exploiter sa ferme, Denis demanda à l'acheter. Après quelques hésitations, Georges consentit. Voilà comment Denis est devenu propriétaire de la terre de son père après plusieurs années et plusieurs propriétaires successifs. C’est le retour aux sources puisque le premier "résident" fut l'oncle Alfred Lalande.

 

 
La famille Turcot, une famille attachante et de belle culture
 

La famille Turcot aimait Nominingue. Quelques années après leur départ, M. Turcot a acheté un terrain au bord du lac des Monts où il a construit un chalet. Ils viennent l'habiter au cours de l'été assez souvent. Ayant été durant sept années nos voisins, nous avons conservé certaines relations entre nous. Mme Turcot venait si souvent causer avec ma sœur. Le plus jeune des garçons Robert qui était bien jeune à son départ, conserve beaucoup d'attachement pour sa "paroisse de prédilection" affirme-t-il! Lorsque je l'ai revu vers l'âge de 18 à 20 ans, il m'avoua qu'il voulait se diriger vers une carrière artistique dans le chant. Il étudiait déjà le chant avec un professeur compétent. Sachant que je connaissais la musique qui est mon art favori, il désirait connaître mon opinion. A ma demande, il exécuta une chanson que je connaissais. Je fus agréablement surprise du beau timbre de voix douce qu'il possédait. « Tu es doué d'une voix superbe » lui dis-je, « cultive-la. Tu procureras de la joie à ceux qui t'écouteront ». À son âge, il avait déjà un beau choix de mélodies. À très peu de temps de là, il fit quelque deux ou trois entrevues à la radio, aussi il est venu chanter à la télévision au programme des « coqueluches » une de ses compositions « paroles et musique » et une interprétation d'un autre auteur. Des invités de marque avaient été choisis pour cette émission, entre autres M. Aimé Major qui a remarqué Robert et est devenu son ami pour l'aider vraiment.

 

 

Une visite inattendue qui me cause un grand plaisir (1979)

 

Quelques mois plus tard, au début de l'année 1979, un dimanche soir, je reçois un téléphone de Robert Turcot qui était à Nominingue. Il me demanda:  « Est-ce que je vous dérangerais si j'allais vous rendre visite avec une autre personne que j'aimerais vous présenter »? « Tu es le bienvenu » lui répondis-je, « je t'attends ». Ce ne fut pas long, une voiture entra dans la cour, on frappa à la porte. Je vais ouvrir. Robert entra le premier tout souriant, il s'effaça pour me présenter l'autre personnage qui le suivait que je reconnus aussitôt. La surprise me figea sur place. C'était Monsieur Aimé Major! Mon étonnement devait paraître comique parce que M. Major se mit à rire. « Pas Monsieur Major en personne » lui dis-je? « Oui, lui-même » me répondit-il. J'étais très honorée de recevoir dans ma maison, M. Aimé Major, chanteur de grande réputation. Homme distingué, fort sympathique, très simple. C'est enrichissant de converser avec une personne ayant d'aussi vastes connaissances. Quel dérivatif précieux pour combler ma solitude quotidienne! M. Major et Robert m'ont rendu visite deux fois cette année-là!

 

 

Mon neveu Denis devient conseiller municipal (1979)

 

Un autre fait important qui se produisit au début de novembre fut l'accession de Denis, mon neveu, dans la vie municipale de Nominingue. La 4e génération faisait son entrée dans la politique municipale de notre paroisse. Il fut élu par acclamation. Il terminait le terme d'un conseiller qui avait démissionné de son poste. L'année suivante, c'était l'élection générale de trois conseillers dont Denis était du nombre. Il eut le privilège d'être élu par acclamation. C'était vraiment la preuve tangible que la population était satisfaite de ses services. Pendant les trois années où il fut échevin, il donna le meilleur de lui-même dans l'exercice de ses fonctions. On le sent animé du désir d'être à l'écoute de tous les citoyens, d'apporter sa pleine contribution dans la réalisation des besoins justes de tous les gens de Nominingue. Si la population l'avait élu maire en 1982, avec les méthodes modernes de son temps, il aurait accompli le même travail ou devoir que ses prédécesseurs. Je cite certaines paroles qu'il écrivait pour le « Centenaire »: « L'exemple de ces courageux et tenaces pionniers m'inspire à vouloir servir du mieux possible les intérêts de mes concitoyens ».(D.L.)

 

 

Mes yeux faiblissent dangereusement. Je dois être opérée (1979 - 1980)

 

Depuis 1978, ma vision n'était plus la même. Elle se détériorait sensiblement. J'ai consulté d'abord un optométriste qui m'annonça que je faisais un début de cataracte. Il me conseilla de me rendre chez un ophtalmologiste à Montréal pour être mieux fixée sur mon état. Je souffrais de cataractes aux deux yeux. Je le visitais de six mois en six mois. J'étais bien ébranlée par cette incapacité visuelle.

 

En décembre 1979, l'ophtalmologiste Docteur Normand Guilbault me dit: « II faut vous faire opérer si vous voulez conduire votre auto ». Je n'avais que 30% de vision. J'en parle avec beaucoup de sang-froid aujourd'hui, tel n'était pas le cas au moment où cette épreuve s'est produite. J'étais angoissée, le « sens » de la vue est le plus important des « cinq » à mon avis. Il fallait me résigner et voir le côté positif de cette situation. Je fus demandée par l'Hôtel-Dieu, hôpital où le Docteur Guilbault faisait de la chirurgie. Rendez-vous fixé à la fin février 1980. C'était la première fois que je m'absentais de la maison depuis la mort de ma sœur, pour un séjour à l'hôpital. J'étais seule pour préparer ma valise, ne rien oublier, laisser la maison à l'ordre, abandonner mes petits animaux; mon chien, mes chats, ma perruche. En cette occasion, j'ai ressenti l'acuité de ma solitude. Je commençais à dépendre des autres. Borromée, Denis, Jocelyne me firent la promesse que l'un des deux viendrait tous les jours à la maison pour soigner les petits animaux et voir si tout fonctionnait bien. Je leur imposais une vraie corvée qu'ils accomplirent de bon cœur. C'est avec reconnaissance que je me rappelle ces services rendus. Borromée devait faire souvent le trajet à pied pour venir. Il s'imposait généreusement ce devoir encore une fois de plus. Je partis rassurée sans savoir combien de temps durerait mon séjour.

 

Je fis appel à mon courage et je partis par autobus. Je n'avais pas le choix, j'allais vers mon destin en mettant toute ma confiance en la divine Providence.

 

Une première opération qui a bien réussi
 

 J'ai subi l’opération de mon oeil gauche le 29 février (année bissextile) avec anesthésie locale. Je n'ai ressenti aucune douleur. Ce chirurgien possède une dextérité inimaginable. Le lendemain de l'opération, il m'enlevait le pansement. Un soleil radieux brillait embellissant la couleur des chambres et corridors de l'hôpital. Il y avait longtemps que je n'avais vu les couleurs aussi vives. Je les voyais atténuées avant l'intervention chirurgicale. C'était déjà un bon début, j'étais fort heureuse. Seulement, comme je ne voyais rien  de mon oeil droit, je trouvai la convalescence plus longue et difficile. Durant trois mois, je ne pouvais ni lire, ni écrire. Téléphoner oui, j'apprenais les numéros par cœur et je comptais les trous. J'y arrivais sans trop de difficultés.

 

Durant les nombreux jours passés à l'hôpital et dans une maison de convalescence (22 jours) plusieurs parents et amis sympathiques m'ont rendu visite. Fortunat et Lucie, Nicole, Georges et Jacqueline qui m'apportèrent un bon radio pour me distraire, des lunettes teintées dont j'avais besoin, crayon feutre, etc. Je pouvais, avec la radio, écouter les nouvelles de l’actualité, de la musique et les programmes qui m'intéressaient. Je me sentais moins en dehors de la société. À ma liste de visiteurs et visiteuses, j'ajoute Hélène Chartrand qui vint me voir plus d'une fois. Elle fut très dévouée, elle me téléphonait souvent en dehors de ses visites. Elle faisait son cours en médecine. Maintenant, elle a complété ses études et comme médecin, elle oeuvre dans les hôpitaux de Montréal. Son frère Guy communiqua assez souvent avec moi. Je n'oublie pas ce beau geste. Mon cousin, Côme Lalande et son épouse, mes cousines Fernande et Annonciata Lalande ne m'oublièrent pas. Quelques autres amies vinrent aussi. Je remercie particulièrement ma nièce Jacqueline qui m'a téléphoné tous les soirs sans exception pour prendre de mes nouvelles. Elle m'apportait un baume d'encouragement. Georges qui était alors député de Maisonneuve oeuvrait toute la semaine au Parlement de Québec. Jacqueline était donc seule avec ses deux filles. Généreusement elle saisissait l'occasion de se rendre indispensable à mon endroit. Sa conversation au bout du fil m'apportait de la sécurité et de la joie!

 

À ma sortie de l'hôpital, c’est Georges, arrivé de Québec la veille au soir, qui vint me chercher. Pendant la nuit, une tempête de neige avait accumulé douze à quinze pouces avec poudrerie. Les rues n'étaient pas bien dégagées. Je dînai chez lui; ce fut très agréable, et dans l'après-midi, Nicole avec sa voiture vint me chercher pour monter à Nominingue. Le trajet s'est fait lentement, les routes étant encore enneigées. Elle me reconduisit chez-moi le même soir, je préférais coucher à la maison. Je puis dire que j'ai été l'objet de beaucoup d'amabilité et de gentillesse de la part de mes neveux et nièces. Je leur serai toujours reconnaissante.

 

J'étais revenue chez-moi, je devais m'adapter à une nouvelle vie qui ne fut pas toujours facile. J'ai demeuré seule quand même, je me guidais par les couleurs et la dimension des objets que je plaçais toujours au même endroit. Pour les affaires et les commissions, j'étais obligée de demander un conducteur pour mon automobile. J'étais dépendante de tout le monde. C'est le handicap qui enlève tellement la confiance en la personne qui est affligée de cette déficience. Il faut beaucoup de force et de volonté pour éloigner la dépression. Être privée de son autonomie devient une situation pathétique. Je réussis à me convaincre que ce n'était qu'une épreuve temporaire.

 

 

Au mois de mai, je me rendis chez mon ophtalmologiste qui me donna la prescription du verre que j'ai pu utiliser au début de juin. 0 miracle! Je voyais trop « clair ». C'est une très grande adaptation. Ce n'est pas tout à fait comme le cristallin de l’œil. Après trois semaines, je pouvais garder mes lunettes continuellement. J'ai repris à conduire mon auto fin août et septembre.

 

...et une deuxième à l’autre oeil qui donne d’aussi bons résultats
 

Le 10 octobre, je faisais opérer mon oeil droit. Ce ne fut pas compliqué, je voyais très bien de mon autre oeil. J'ai observé les mêmes précautions, aucune complication n'est survenue. Je n'ai séjourné que dix jours à l'hôpital. Durant cette seconde absence, j'ai eu comme gardien François Vachet qui avait été mon conducteur d'auto tout l'été. Depuis le printemps 1980, il me fut d'un précieux secours pour l'entretien de mes propriétés, pour de nombreux déplacements,-pour toutes sortes de petits travaux. C'est lui qui est venu me chercher à l'hôpital avec ma voiture. La Providence veillait sur moi, je profitais toujours d'une assistance imprévue. Je recommençai à conduire mon auto en décembre pendant les belles journées. Pas le soir à l'obscurité.

 

En janvier 1981, j’ai subi l’examen de mon dernier oeil pour prescription et en février, j'avais une nouvelle paire de lunettes complète. Nouvelle adaptation pour les deux yeux. Ce fut encore assez long. Là il fallait que je « réagisse » pour reprendre confiance en moi. J'avais encore des défaillances, mais je pratiquais ce proverbe qui dit: « la persévérance triomphe de toutes les difficultés ». Il n'existe pas de problèmes sans solutions.

 

Au jour le jour, il faut profiter des petites compensations qui nous sont octroyées, découvrir les joies où elles se cachent et où elles se trouvent. La vie est le plus beau cadeau du bon Dieu. Si elle est triste parfois, elle vaut quand même la peine d'être vécue. Il faut s'accrocher à l'espérance de jours meilleurs. La santé est l'élément le plus important, c'est quand on la perd qu'on apprécie toute sa valeur. La vaillance, le courage, nous font accepter ce que l'on devient avec l'âge et la maladie. Évidemment, personne n'est immortel, mais il faut lutter pour la longévité de sa vie avec l'aide de Dieu. Je me fais dire bien souvent cette parole bien déprimante: « Comment faites-vous pour demeurer seule? Vous devez vous ennuyer terriblement » ! À ceux-là et à celles-là je réponds une phrase de Mme J.D. Miller de Nominingue, que je n'ai jamais oubliée: « Une femme intelligente doit posséder assez de ressources en elle-même pour ne jamais s'ennuyer ». Ces paroles en disent long, n'est-ce pas? On doit s'adonner aux distractions qui nous conviennent. "Le bonheur qu'on veut avoir gâte celui qu'on a".

 

 

Mes yeux me donnent satisfaction. Une autre visite de musicien.  Ma belle-sœur Jeanne subit un infarctus  (1981)

 

Mes yeux me donnaient satisfaction. Il y avait des hauts et des bas mais je devenais de plus en plus optimiste. Je contrôlais très bien mon diabète,. En 1981, je jouis donc d'une santé relativement bonne, si j'observe bien les "règles du jeu".

 

Début juillet, Robert Turcot qui évolue toujours dans la chanson, montait au chalet de son père avec un camarade de voyage. Il vint me rendre visite et me présenta son compagnon qui était un organiste de talent connu dans le monde artistique. Monsieur Jean-Marcel Raymond. Il est l'auteur de « quatorze » microsillons composés de mélodies rythmées, d'une manière originale, fort agréable, qui peuvent plaire à tous les âges. Elles sont tantôt gaies et entraînantes, tantôt mélancoliques. J'éprouve un vif intérêt à écouter ces disques de musique contemporaine que le temps n'affectera pas. Le chant et la musique ont toujours pour moi un attrait irrésistible.

 

L'orgue est un instrument qui émet de beaux sons harmonieux, et avec ses accords cadencés, accompagné par la guitare et quelques appareils de batterie, c’est merveilleux. Ceux qui me connaissent savent que l'art musical m'a toujours emballée, fascinée! Plus on avance en âge, plus if faut goûter intensément ce qui est beau, ce qui est bon pour augmenter la qualité de notre vie et rester jeune de cœur. La musique produit un effet magique et réconfortant. Ces deux artistes me rendent quelques visites pendant l'année. Je peux ainsi connaître mieux les activités du monde musical, les derniers succès selon mes goûts, me maintenir plus à la page. Cet état de faits me reporte à l'époque heureuse d'antan où mes neveux nous « saturaient » de chant et de musique. Agrément dont je garde un souvenir inoubliable.

 

En 1981, ma belle-sœur Jeanne, l’épouse de Borromée, fut hospitalisée pour un  infarctus. Sa convalescence fut longue, mais elle s’en est bien sortie. Sa guérison peut être considérée comme complète dans les circonstances. Elle était âgée de 77 ans.

 

 
 
Mon frère, en proie à un diabète sévère et ma belle-sœur Florida, à des problèmes cardiaques (1982)
 

Vers la mi-mars, Fortunat tomba bien malade à Montréal. Il voulait revenir absolument à Nominingue. Alors Florida appela une ambulance pour le conduire à l'hôpital des Laurentides à l'Annonciation. Il fit une « montée » de sucre incroyable avec infection aux reins. Il souffrait d'un grand ulcère à l'estomac. Un régime très sévère lui fut donc prescrit. Il séjourna à l'hôpital près d'un mois, puis vint habiter sa maison au Petit Lac Nominingue

 

Peu après, Florida faisait une attaque d'angine. Elle en a fait plusieurs depuis six ou sept ans, mais elle conserve un moral extraordinaire. Elle s'en remet à chaque fois, mais tout en perdant des forces.

 

Fortunat et Florida sont partis tôt pour Montréal cette année 1982. Mon frère devait subir une opération pour cataracte dans son deuxième oeil, fin septembre. Cette intervention chirurgicale a très bien réussi. Ce qui lui a donné beaucoup d'encouragement.

 

 
 
Borromée tombe gravement malade en ce début d’année du Centenaire de Nominingue (1983)...
 

En décembre 1982, mon frère Borromée ne filait pas bien du tout. Un peu avant les Fêtes, il fit une mauvaise grippe avec rhume et fièvre.

 

Comme à tous les ans, c'est la grande réception du Jour de l'An qui se prépare. La famille est grande, les petits-enfants sont assez nombreux « quatorze ». Le 1er janvier à minuit, c’est la messe à l'église pour l'ouverture du "Centenaire" de la paroisse. Mon frère et ma belle-sœur sont demandés par les autorités pour porter des offrandes au Maître-Autel. Borromée se sent trop malade, incapable d'accomplir cette requête. Mon grand-père Lalande ayant été un des premiers arrivants, la tradition voulait que ce soit un de ses descendants qui le fit. J'ai donc dû le remplacer.

 

Dans l'après-midi du Jour de l'an, alors que ses fils et leurs femmes étaient arrivés à la maison, la table bien dressée, Raymonde, la femme de Claude, infirmière professionnelle, s'aperçut du grand malaise de son beau-père. Il avait la respiration très difficile. Elle dit à Nicole: « Vite demande une ambulance, il faut aller conduire ton père à l'urgence immédiatement ». Ce qu'elle fit aussitôt. Raymonde accompagna mon frère dans l'ambulance. Arrivé à l'hôpital, oxygène et sérum furent installés, Peu après, il montait aux soins intensifs où il demeura quatorze jours. Il souffrait d'une grave pneumonie et sa glycémie était trop élevée.

 

Plus tard, pendant sa convalescence, une infection aux poumons causa d'autres complications. Il fit une rechute alors qu’il était encore aux soins intensifs. Son système organique n'avait pas beaucoup de défense, je devrais dire "aucune". Il séjourna 36 jours à l'hôpital. Quelle inquiétude pour toute sa famille et moi-même. Denis avait une lourde charge en plus de son travail quotidien. Étant le seul garçon par ici, il arrêtait tous les soirs à l'hôpital à son retour de travail. Parfois, il y retournait avec sa mère à l'heure des visites le soir. Les autres venaient chacun leur tour à chaque fin de semaine. Moi j'y allais une fois toutes les semaines, souvent avec Jocelyne.

 

Le lendemain du transport de Borromée à l’hôpital, je téléphonai à Fortunat pour offrir mes souhaits. Florida me fait savoir qu'il était à l'hôpital Jean Talon depuis le 28 décembre. Mes deux frères passèrent donc le  Jour de l’an 1983  à l'hôpital. Je ne me sentais pas très vaillante par ces tragiques événements. Très mauvais début du Centenaire. Vers la mi-mars, ayant contracté un virus, Borromée fut victime d'une entérite qui nécessita une autre hospitalisation d'une dizaine de jours. Heureusement que ce ne fut pas plus long. Il dût se conformer à un régime très rigide pour plusieurs jours, ce qui contribua à réduire ses forces.

 

 

...et de l’année de ses noces d’or avec Jeanne
 

En cette année du « Centenaire », et aussi du jubilée d’or de Borromée et de Jeanne, j'implore ardemment le « Maître » de nos vies de redonner assez de santé à mon frère Borromée, pour que nous puissions fêter le « Jubilé d'Or » de ces valeureux parents qui ont accompli 50 ans de labeur incessant et qui ont donné la vie à sept enfants, les entourant d'affection et de dévouement. Ils leur ont permis d'acquérir une solide instruction afin de profiter d'une belle carrière  dans la vie. Serons-nous exaucés? Je l'espère de tout mon cœur! Ce serait un si beau souvenir pour leurs enfants, leurs petits-enfants et les générations futures. Et pour les  « Jubilaires » eux-mêmes, un hommage reconnaissant  bien mérité.

 


 


 



 

Quatre générations dans la vie municipale de Nominingue

 

 

J. Anthime Lalande premier maire de Canton Loranger 1896 à 1898 et premier maire du Village 1904 à 1913

 

J. Arthur Lalande Échevin dans le Canton Loranger 1917 à 1921 Maire Canton Loranger 1921 à 1938 inclusivement

 

Borromée Lalande Échevin dans le Canton Loranger 1943 à 1947 Maire Canton Loranger 1947 à 1952 — 1957 à 1967 1969 à 1971 Année de la fusion avec le village

 

Denis Lalande Échevin: Municipalité Lac Nominingue 1979 à 1982

 

 

 

 

 

 

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