L' U L T I M E  R A Z Z I A






1.

L'INSURRECTION INVISIBLE
DE CENT MILLIONS D'ESPRITS










« C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. »

Blaise Pascal, Douzième provinciale.



« Une réalité sordide ne vaut-elle pas mieux que la meilleure des illusions ? »

Philip K. Dick, Le Dieu venu du Centaure.








Dans la tempête et dans la nuit de notre temps a jailli soudain un éclair d'une extrême intensité, immédiatement suivi d'un long, lourd et inquiétant grondement de tonnerre, qui a illuminé le théatre d'un extraordinaire naufrage : les attentats-suicides du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone ont principalement détruit les dernières illusions et les derniers doutes relatifs à la stupéfiante vélocité du cours actuel de l'histoire, et au caractère apocalyptique du point déjà atteint par la décomposition de notre société. Une fois de plus, les faits sont allés plus vite et plus loin que les plus extravagantes théories.


L'événement n'a évidemment été prévu par personne, si l'on excepte les terroristes eux-mêmes, leurs commanditaires et les initiés ; mais il n'était pas imprévisible. Le 11 septembre est en effet le résultat nécessaire, inéluctable, du développement simultané et convergent du mensonge social, de l'État policier et du marché mondial ; il est leur point de fusion. Il marque la fin de ce qu'il était convenu jusque-là d'appeler « la démocratie en Amérique », et c'est en cela qu'il concerne d'abord l'histoire des États-Unis. Mais il déborde à l'évidence ce cadre restreint, car il est aussi l'holocauste fondateur, le pacte barbare qui scelle dans le sang l'achèvement de l'unification mondiale de la domination capitaliste. C'est pourquoi le public le plus lucide et averti a saisi presque sur-le-champ que les attentats du 11 septembre ne pouvaient guère être autre chose qu'un pas quantitatif franchi dans la longue histoire des provocations d'État ; pas quantitatif auquel il revenait de transformer qualitativement le monde. De ce point de vue, il était ensuite aisé de comprendre, au vu de l'évolution des événements que l'opération répondait à deux nécessités immédiates : d'une part, asseoir le pouvoir de l'administration Bush junior, en manque de légitimité après une élection truquée et à la veille d'une vague de scandales financiers sans précédent ; d'autre part, offrir un prétexte à une nouvelle course aux profits militaires et pétroliers, capable de réduire à néant les préoccupations humanitaires et écologiques. On ne saurait déjà trancher la question de savoir si l'administration Bush junior a elle-même commandité, planifié et dirigé les attentats, ou si elle les a seulement laissé faire, observant et protégeant leurs préparatifs. Cette question restera sans doute sans réponse jusqu'à l'analyse indépendante de rares archives réservées, autant dire jusqu'à la destruction de l'État américain, ou jamais. Mais ce qui saute aux yeux, en revanche, c'est la solidarité pratique qui unit dans le mensonge tous ceux qui ont profité, directement ou indirectement, des attentats du 11 septembre : les grandes compagnies américaines du pétrole et des armements, les spéculateurs de Wall street et les généraux d'Algérie, les trafiquants d'héroïne du Pakistan et les bureaucrates esclavagistes de Chine, les colons israéliens et les ploutocrates de Russie, la police française et les escadrons de la mort de Colombie...


Nous ne faisons là que redire des évidences ; ceux qui ne les admettent pas sont des somnambules. Les autres, une très importante minorité, s'en sont spontanément avisés une fois remis de leur bouleversement initial, plus d'ailleurs par la faute de l'incroyable accumulation de mensonges invraisemblables qui tient lieu d'explication officielle qu'en raison de leurs propres connaissances et capacités. D'innombrables révélations, et même quelques demi-aveux, sont de surcroît venus confirmés leurs déductions [1]. Mais leur tragique isolement, résultat programmé d'un mode de vie imposé, a fait que peu ont eu les moyens d'exprimer autour d'eux ce qui n'est souvent resté qu'une intime conviction [2], et que moins encore ont eu les moyens de considérer en profondeur la signification de l'événement [3]. C'est donc à l'attention de cette masse d'individus lucides, mais dépossédés de tout moyen d'expression efficace, que nous destinons notre travail - dans lequel, nous n'en doutons pas, ils devraient au moins en partie reconnaître leur propre langage -, sans autre ambition que de briser leur isolement en donnant raison à leur intime conviction, et ainsi, on en conviendra, de contribuer à la subversion d'un système qui, pour se maintenir et étendre encore sa puissance, ne recule plus devant aucun crime, ayant depuis longtemps foulé aux pieds toute dignité et toute humanité. Nous ne cherchons donc en rien à convaincre les pitoyables imbéciles qui ont foi en la parole de leurs « dirigeants élus » et croient que l'État les protège ; et nous ne nous intéressons pas davantage à établir académiquement quelques vérités sur ce qui n'est, après tout, qu'un massacre parmi d'autres. Les attentats du 11 septembre nous importent parce qu'ils sont l'expression publique d'un inavouable projet de société, qu'on peut déjà voir s'ébaucher partout ; pour pouvoir le refuser, le combattre, ou même seulement en débattre, on ne peut éviter de faire d'abord face à son vrai visage.


Nombreux pourtant sont ceux qui n'ont tout simplement pas osé : ainsi, une autre minorité significative de la population, que tout porte à considérer, aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue, comme la tendance majoritaire dans les milieux contestataires activistes, ne s'est pas laissée berner par les grossiers mensonges de l'État américain, mais a refusé d'en tirer la moindre conclusion. Ceux-là ont préféré se défiler , proclamant à qui voulait bien les entendre que la question de savoir qui a commandité les attentats du 11 septembre, et dans quel but, n' a pas d'importance : selon eux, que les terroristes aient ou non bénéficié de la complicité des hautes sphères pétro-étatiques américaines, l'événement devait être de toute façon exploité de la même manière par la propagande, pour aboutir à un identique renforcement de la puissance de l'État américain. Bref, « à l'ouest, rien de nouveau » ! Ils s'imaginent sans doute se placer ainsi « à l'étage de la pensée historique », au-dessus des mêlées vulgaires où chacun est sommé de prendre parti, mais en réalité leur démarche fait d'eux les porte-parole d'une masse incrédule, certes, mais surtout résignée : car en faisant abstraction du fait que l'histoire n'est pas allée au même rythme, dans les dernières décennies, selon que les attentats du 11 septembre sont ou ne sont pas une provocation d'État, ils veulent surtout éviter d'avoir à remettre en question le confort de leur pensée et le train-train de leur action. Nous espérons malgré tout qu'en nous lisant, quelques-uns d'entre eux comprendront peut-être que leur feinte indifférence risque d'apparaître pour ce qu'elle est : une lâcheté criminelle. L'histoire, en tout cas, ne les attendra pas.


L'Ultime razzia se présente donc comme une étude basée sur un petit nombre de faits historiques attestés, quoique trop souvent peu ou mal connus : nous nous bornons à les coordonner de manière à en faire apparaître la signification et les implications. Quelques-uns de ceux à qui ce travail ne plaira pas pourraient évidemment nous rétorquer - ce serait de bonne guerre - que plusieurs de ces faits sont parfois encore l'objet de violentes controverses, de farouches dénégations, et qu'ils ne sauraient par conséquent constituer des « preuves » de la vérité de nos conclusions. A ceux-là nous répondrions deux choses : primo, qu'ils auraient mieux fait de faire montre de la même exigence envers l'État américain, qui n'a pas su avancer même l'ombre d'une preuve à l'appui de sa version paranoïaque - à moins d'accepter ces fameuses « preuves secrètes » transmises aux dirigeants alliés, ou l'ahurissant retournement dans la biographie officielle d'Oussama Ben Laden, ou telle pseudo-cassette audio ou vidéo des pseudo-aveux d'un pseudo-Ben Laden, ou encore, pourquoi pas, les mauvaises images d'un tas de cailloux diffusées un triste soir de Noël, comme des preuves irréfutables ! - ; secundo, que notre méthode, qui est indiciaire et déductive, n'est pas comparable à une science exacte : ce serait une erreur de croire que l'on peut comprendre le monde et l'histoire en s'appuyant exclusivement sur des thèses rigoureusement démontrées, et on aurait tort de l'exiger. Une pareille exigence est le fait de tempéraments ayant besoin d'autorité, cherchant au mieux à remplacer les dogmes médiatico-policiers par d'autres dogmes, fussent-ils moins évidemment mensongers. Les faits sur lesquels nous nous appuyons ne sont que par exception universellement admis ; la plupart présentent seulement un certain degré de probabilité. Sigmund Freud, justifiant sa propre méthode d'investigation de l'esprit humain, qui a donné tant d'éclatants résultats, disait : « C'est précisément le propre de l'esprit scientifique de savoir et de pouvoir continuer le travail constructif, malgré le manque de preuves dernières. »


Ces faits sont organisés en commençant par ceux qui sont le plus généralement admis pour finir par ceux qui le sont le moins - ce qui nous amènera à nous pencher respectivement sur ce que les évènements du 11 septembre ont en quelque sorte concentré en un seul point de l'espace et du temps : le gigantesque appareil de propagande médiatique, le reconditionnement policier de la réalité, et la liberté sans entrave pour la libre entreprise ; enfin, nous aborderons les conditions de l'incendie généralisé qui ne manquera pas de dévorer, en un seul mouvement, ces divers aspects d'un système condamné. Quant à nos détracteurs, qu'ils n'espèrent pas pouvoir facilement se hasarder à discuter nos conclusions : ils n'en ont pas les moyens. Ils devront se résoudre à biffer d'un grand trait l'intégralité de notre travail, en justifiant leur censure d'un seul mot : « crimepensée ».









[1]. Par exemple, sur la préméditation des offensives contre l'Afghanistan et contre l'Irak ; sur la permanence des liens entre Oussama Ben Laden et la CIA ; sur le financement de l'opération par les services secrets du Pakistan, dont le chef était reçu, du 4 au 13 septembre 2001, par plusieurs hauts dignitaires de l'État américain ; sur le sabotage, par la hiérarchie du FBI, de la surveillance des terroristes infiltrés sur le territoire américain ; sur l'obstination de l'administration Bush à ne pas tenir compte des avertissements lancés par un nombre impressionnant de services secrets de tous les pays...

[2]. Parmi les nombreux intellectuels accrochés aux petits privilèges d'une situation universitaire, et qui pour cette raison ont encore parfois le droit à la parole, seul le Canadien Michel Chossudovski n'a pas totalement renoncé à faire usage de bon sens dans ses recherches pour produire l'unique travail « académique » sur le sujet (Guerre et mondialisation : A qui profite le 11 septembre ?, Montréal, Éditions Écosociété, et Paris, Le serpent à Plumes, 2002). Quoique extrêmement déficient sur le plan théorique, son livre se distingue, par son sérieux et son honnêteté, des productions idéologiques émanant de diverses chapelles, post-maoïstes (Peter Franssen et Pol de Vos, Le 11 septembre, pourquoi ils ont laissé faire les pirates de l'air, Anvers, EPO, 2002), néo-nazies (par exemple l'anonyme et sournois Véridique Rapport sur les dernières nécessités de préservation et d'extension de la domination américaine sur le monde, Paris, s. éd., 2003) ou plus ou moins « pro-situ » (par exemple Michel Bounan, Logique du terrorisme, Paris, Allia, 2003), qui ont aussi dénoncé les attentats du 11 septembre comme étant une provocation de l'État américain.

[3]. C'est une courte vidéo, réalisée en France par le collectif « Nosostros » et intitulée Brave New World, film catastrophe, qui présente le mérite d'avoir su exprimer avec le plus de lucidité, et dans la seule forme qui convienne véritablement au propos, les conclusions que l'histoire et la logique imposaient déjà : « Les attentats du 11 septembre ne peuvent se comprendre que situés à la fin d'un processus transitoire complexe qui s'est massivement mis en branle il y a une dizaine d'années. L'année 1991, en effet, a été marquée publiquement par la guerre du Golfe et la dissolution de l'URSS, qui imposaient durablement au monde l'hégémonie militaire et économique des États-Unis, et elle a aussi été marquée, secrètement, par les débuts de la "sale guerre" en Algérie - l'État-laboratoire où était expérimentée, avant d'être systématisée, la variante islamiste du terrorisme d'État moderne, renouvelant ainsi une technique de gouvernement mise en pratique pour la première fois dans l'Italie de l'après-68, et qui s'est depuis imposée mondialement. Ce sont les mêmes gens, à quelques changements de générations près, qui règnent aujourd'hui aux États-Unis comme en Algérie, en Italie et ailleurs. Mais ils ont retenu les leçons de dix années d'exercice du pouvoir : ils ont compris que l'augmentation de leurs profits nécessite désormais un règne mondial de terreur et d'obscurantisme ; ils savent à présent mieux ce qui les enrichit, ce qui les renforce, l'usage qu'ils peuvent faire des moyens qu'ils se sont donnés, et ce que les populations maintenues sous hypnose sont prêtes à croire et à subir. La provocation du 11 septembre a inauguré un XXIe siècle qui d'ores et déjà s'apprête à y ressembler trait pour trait : un film catastrophe réalisé par des idiots, plein de bruit obscurantiste et de fureur terroriste, qui ne signifie rien. » (Extrait de la voix-off).








Chapitre 2
Avant-propos

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